Pour un été rayonnant, plein d’épices

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 14 juillet 2022 à 18:42

En ce début d’été, les enfants sont invités à dévorer les livres et leur gourmandise sera pleinement satisfaite. À toutes saveurs…

> Le livre coquin de Ramadier et Bourgeau Une petite souris s’adresse à un enfant pour qu’il l’aide à faire apparaître un album, puis à nouer des relations affectueuses avec une bien belle et sympathique frimousse occupant la page de droite. À la suite de cette marque de tendresse, celle-ci ouvre un œil déluré, ce qui déclenche le commentaire de notre trotte-menu à destination du lecteur. Puis, voyant l’espiègle minois tenter de s’éclipser en glissant vers la droite pour sortir de la page, elle lui intime de rester là ! Certes l’ordre est gentiment proféré, mais le polisson ne l’entend pas de cette oreille et, pivotant d’une page à l’autre, fait sursauter la gentille souris en lui faisant peur. Une peur renvoyée à l’envoyeur… en toute amitié.

L’école des loisirs, à partir de 2 ans, cartonné, 20 pages, 19 x 24 cm, 10,50 €.

> Les Contes palpitants des 7 Ours Nains d’Émile Bravo Sept Ours Nains remontant de la mine rentrent chez eux et, catastrophe, une géante dort sur leurs lits après avoir avalé leur déjeuner. Pour se débarrasser de l’intruse, ils vont chercher le tueur de géants (sept d’un coup est son exploit) qui, prénommé Boucle d’Or, rappelle aux enfants les contes du vaillant petit tailleur et de la fillette blonde comme l’or et les trois ours. Et notre « tueur » est un prince qui n’ose pas embrasser la damoiselle pour la réveiller car il ne la connaît pas, dit-il. Tiens, que fait là la Belle au bois dormant accompagnée des Cendrillon, Petit Poucet, Peau d’Âne, Blanche Neige, Petit Chaperon rouge, Barbe Bleue (il lui faut une page entière pour exprimer sa violence). Émile Bravo revisite les contes, les détourne, les mélange avec une impertinence de bon aloi, pratiquant délibérément les « erreurs de casting ». Imbroglio échevelé, cacophonie assurée, l’excès fonctionne à plein, un régal de lecture pour les enfants qui s’amusent à découvrir leurs « héros » dans des situations farfelues et qui apprécient la dynamique des récits et le graphisme des images aux couleurs pleines de vie.

Seuil Jeunesse, dès 6 ans, 27,5 x 20 cm, 144 pages, 19 €.

> Jack marin d’eau douce de Jean Poderos et Léa Louis Jack est un garçon adorable qui ne pleure jamais et ne fait pas de caprice. Lorsqu’un jour, alors qu’il prend son bain, il se met à hurler, ses parents étonnés, quelque peu inquiets, accourent. Il leur annonce qu’il veut devenir marin, pas celui qui fait trempette dans la baignoire mais un vrai capitaine de chalutier, de paquebot… affrontant les tempêtes. Sa mère et son père ne savent que répondre avant de lui annoncer qu’ils vont l’aider. Nous n’apprenons que tardivement que les jambes de Jack ne fonctionnent plus. C’est aux parents d’inciter les jeunes lecteurs à en repérer quelques indices dans les dialogues, certaines situations et images (comme celle d’un « objet » en amorce de page et dont l’ombre s’étend)… Nous retrouvons à la fin Jack (image en plongée verticale) vêtu d’un pull rayé, allongé sur un ciré jaune posé sur le pont d’un bateau, les yeux fermés, totalement détendu… rêvant comme au début, dans sa chambre, avec en surimpression une fenêtre donnant sur un ciel bleu. Le rêve, sa passion. « Et puisqu’il faut rêver, rêvons la mort des rêves », c’est-à-dire leur concrétisation. On peut appliquer cette instigation aux deux albums suivants.

Éditions courtes et longues, 23 x 32,5 cm, 56 pages, 22 €.

> Émerveillements et Après les vagues de Sandrine Kao Une créature blanche, sorte de rongeur, sort d’hibernation. Au printemps, il sème mais les graines ne germent pas de suite… doutes, énervement, patience, apaisement et enfin la récolte des fruits, découverte des saveurs, douceur ou amertume. D’autres créatures le rejoignent : la joie des jeux et des amitiés nouées. Dans le second album, deux d’entre elles partent à l’aventure, mot qu’il faut comprendre comme découverte et apprentissage de la vie et du monde. Affronter les peurs, vaincre les obstacles et les soucis… les saynètes se succèdent sur une page ou deux, moments de vie, instants comme suspendus. Tout est murmuré dans ces planches lumineuses d’une délicatesse telle qu’elles s’accompagnent de sérénité, le blanc de la page respire amplement (l’album mesure 35 centimètres de hauteur), parsemé de dessins tout en finesse, épurés et en couleurs tendres d’inspiration japonisante (cerisiers en fleurs, mont Fuji enneigé des estampes d’Hokusai). Et si le noir s’immisce, aussitôt, soit le jour se lève chassant ce qui se passait la veille, soit un proche, un ami vous secoue, faisant vaciller l’enténèbrement alentour. Leçons de vie nullement imposées, les tout-petits savent les saisir et les comprendre.

Grasset Jeunesse, dès 4 ans, 40 pages, 18,90 € chacun.