Festival Transsibérien

De l’Oural aux Hauts-de-France en musique

par PAUL K’ROS
Publié le 27 décembre 2019 à 18:44

C’était comme un beau cadeau de fête de fin d’année avant l’heure. Imaginez, réunis sur une même scène, trois jours durant, quelques-unes et quelques-uns des musiciens les plus prestigieux du moment, russes pour plusieurs d’entre eux mais aussi américains, chinois, coréens ou français. L’impulsion initiale vient du violoniste russe Vadim Repin dont l’immense talent internationalement reconnu se double d’une naturelle élégance et du plaisir de jouer collectif. Il a créé en 2014 à Novossibirsk, sa ville natale, le festival musical Transsibérien, fort bien nommé, puisqu’il n’est rien de mieux que la musique pour abolir les frontières géographiques et mentales et véhiculer les échanges sans préjugés.

Rien de tel donc qu’un Transsibérien orchestral pour voyager d’Est en Ouest et vice versa. Jean-Claude Casadesus, le chef fondateur de l’ONL qui ne perd jamais le nord et cherche en permanence à trouver le plus court chemin d’un cœur à un autre, a saisi au vol l’occasion d’inaugurer une station Hauts-de-France pour ce sidérant train intercontinental. Le jeune orchestre du Hainaut-Cambrésis, fondé en 1998 par Thierry Huvelle, y a pris place, trouvant là une occasion unique de faire valoir la qualité de ses cuivres, vents et percussions aux côtés de l’orchestre des jeunes d’Île-de-France et de l’orchestre symphonique des jeunes de l’Oural.

Fabuleuse pléiade d’artistes

Nous serions bien en peine, sauf à être trop long, d’évoquer ici dans le détail les quatre concerts dont deux avec orchestre et deux de musique de chambre qui ont agrémenté cette étape. Commençons par la fin avec le Triple Concerto en ut majeur de Beethoven au cours duquel chacun des solistes, Nicholas Angelich au piano, Vadim Repin au violon, a le privilège d’exposer chacun des motifs sous le rôle leader du violoncelle tenu ici avec une expressivité rageuse par un Alexandre Kniazev survolté. On n’a d’yeux que pour eux avec en toile de fond un orchestre très appliqué et peut être autant subjugué que le public.

Préalablement cet orchestre « trois en un » s’était lancé, sous la direction de David Molard Soriano, dans une alerte 9e symphonie de Dimitri Chostakovitch, narquoise et légère à faire tourner les têtes. Pour leur bonheur et pour le nôtre, les jeunes instrumentistes avaient eu également la veille la belle opportunité de brosser les tableaux d’une exposition de Moussorgski orchestré par Ravel dont Jean-Claude Casadesus est un visiteur familier.

S’agissant des œuvres produites en formation chambriste, c’est à nouveau l’embarras du choix avec notamment un sextuor à cordes « souvenir de Florence » de Tchaïkovski et une palette de couleurs inouïes, Vadim Repin, Michel Guttmann, violon ; Anfdrei Gridchuk, Beatriz Carolina, Ortiz Romero, alto ; Jing Zhao, Frauke Suys, violoncelle. Ou encore un Quintette pour piano de Dvorák avec, au clavier, un Andrei Korobeinikov dont le propos d’une claire précision a toujours ce je-ne-sais-quoi qui rassure et assure à l’ensemble son équilibre. On en profitera pour saluer la présence dans ce quintette de la jeune violoniste française Camille Fonteneau, aux côtés de la Coréenne Clara- Jumi Kang, et dire la forte impression que nous a laissée la violoncelliste chinoise Jing Zhao, déjà citée.

L’annonce tardive et sans doute un peu trop confidentielle de cette première édition ne lui aura toutefois pas permis de trouver tout le public qu’une telle pléiade d’artistes méritait. Nombreux seront ceux qui regretteront de l’avoir appris trop tard. À méditer pour l’avenir car nous espérons bien qu’il y aura une suite...