© Pascal Victor
L’absence de père de Lorraine de Sagazan à l’Idéal, théâtre du Nord

L’arène des désenchantements

par PAUL K’ROS
Publié le 3 mars 2022 à 19:27

Anna Petrovna (Lucrèce Carmignac), veuve désargentée mais portant beau et buvant sec, reçoit des amis pour une fête. Son domaine est promis à la vente aussi se laisse-t-elle courtiser sans emballement excessif par Paul (Romain Cottard), riche homme d’affaires enclin à la sauver de la ruine et à récupérer la propriété. Michel Platonov (Antonin Meyer-Esquerré), éloquent trentenaire, instituteur par défaut d’autre chose, est au centre de toutes les attentions. Séducteur impénitent, velléitaire mal dans sa peau, il attire, provoque, irrite, déchire les liens, entraînant chacune et chacun dans une vertigineuse spirale de désillusions et d’absence de perspectives.

Peut-être que j’aurais pu être…

Librement adaptée de Platonov d’Anton Tchekhov par la metteure en scène Lorraine de Sagazan, la pièce intitulée L’absence de père est présentée au public dans un dispositif quadri-frontal donnant à l’espace scénique l’allure d’une arène des désenchantements avec en point d’orgue ce constat final amer de Platonov, « peut-être que j’aurais pu être… ». Selon le souhait de la metteure en scène, les acteurs et actrices alimentent le vécu de leur personnage de leur propre biographie, celle d’une génération dont les parents ont fait ou connu 68 ; belle manière d’inscrire cette pièce centenaire dans les questionnements d’aujourd’hui, même si la pertinence et la fluidité du texte de Tchekhov restent inégalées. On ne pourra pas hélas illustrer ici la brochette de personnages croqués par Lorraine de Sagazan. On retiendra cependant le puissant et désespéré cri du cœur du moujik Ossip (Mathieu Perotto) exprimant en termes bien sentis la détresse de la paysannerie.

Prochain spectacle : The Jewish Hour de Yuval Rozman, vendredi 4 mars à 20 h. Théâtre du Nord : 03 20 14 24 24.