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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Christophe Moyer, auteur, metteur en scène

Publié le 24 février 2022 à 18:10

Je déteste les école de commerce. Faut les brûler ! Si vous connaissez quelqu’un issu d’une école de commerce, pendez-le avec les tripes d’un banquier. Je suis écoledecommercehophobe ! Je ne connais personnes qui, ayant fait une école de commerce, soit utile aux autres, à la société. À part ceux qui lisent Liberté Hebdo et… Christophe Moyer. Il est devant moi à siroter sa bière. Il est berrichon, né d’un père tailleur d’habits et d’une mère institutrice. Lycéen, sans références sauf « Au théâtre ce soir », « j’ai eu la chance d’être figurant sur un spectacle plein-air un été. J’y ai découvert que je voulais être comédien ». Le milieu dans lequel il grandissait était loin de l’idée du théâtre comme ascenseur social. « Mon père voulait que je continue mes études. J’ai donc fait une prépa HEC à Tours, puis Sup de Co à Lille, où j’ai crée ma compagnie. Je faisais plus de théâtre que de marketing. » Il est alors banquier d’affaires durant deux ans, « le rôle le plus pourri de ma vie », et démissionne une fois son prêt étudiant remboursé. Il tente sa chance au théâtre, fait des stages, s’inscrit à la Ligue d’improvisation de Marcq-en-Baroeul. C’est au Grand Bleu avec Antonio Vigano qu’il devient vraiment acteur. « J’ai pu prendre un appart’ et mettre comme profession : comédien. J’ai senti chez mes parents la peur de l’avenir. Ils avaient connu le manque. Mais dès qu’il y a avait un article où j’apparaissais, ils étaient fiers. » Il buvait sa bière avec délectation, en vrai nordiste. Les Berrichons ont un grand pouvoir d’adaptation. Comédien pendant cinq ans, il est « frustré de ne pas voir des spectacles que je voulais voir, je me suis dit qu’il fallait s’y coller ». C’est d’abord Le rapport Lugano, adapté du livre de Susan George. « Je voulais montrer des sujets dont on ne parlait pas à l’époque, comme la décroissance. » Il ne cachait pas qu’à ses débuts, il donnait avant tout la priorité au sens et au fond. « C’était mon premier moteur, qui a fait la clé de voûte de mon boulot. J’ai ensuite multiplié les formes, que cela soit pour la rue, le théâtre, l’appartement. » Christophe voulait déjà s’adresser à tout le monde. Il a sans aucun doute réussi. Outre Naz, spectacle sur de jeunes néo-nazis, joué pendant dix ans, ses créations parlent du monde, de révoltes, d’engagements, comme un leitmotiv, une évidence à faire ce métier, même si « je l’ai débuté à la fin de la belle période, il y a 25 ans. Il y avait une politique culturelle, du vrai financement. Je ne cesse de me bagarrer pour que les conditions de travail ne se détériorent pas. Je me pose des questions sur la suite. Moins d’argent public mais plus de gens font du théâtre ». Avec sa compagnie « Sens Ascensionnels », il tourne actuellement L’Histoire de l’humanité à travers celle de la patate !, un spectacle jeune public, et sera cet été à Avignon avec Ne vois-tu rien venir de Souâd Belhaddad. La morale de cette rencontre ? Un Berrichon peut aimer la bière et grâce au théâtre, on peut sortir humain d’une école de commerce. Rien n’est perdu.

Une petite histoire de l’humanité à travers celle de la patate !, à voir le vendredi 4 mars (publics scolaires) et le samedi 5 mars à 11 h, à Culture Commune (Loos-en-Gohelle), et le 29 avril à Wervicq. Infos : sens-ascensionnels.com.