© Jeremie Bernaert
The Jewish Hour de Yuval Rozman au théâtre du Nord du 2 au 4 mars

Talk-show vibrionnant au goût acide

par PAUL K’ROS
Publié le 9 février 2022 à 17:26

Auteur-metteur en scène né en 1984 à Tel-Aviv dans une famille de gauche religieuse, Yuval Rozman a écrit sa première pièce à 18 ans ; il quittera son pays pour la France après avoir déserté le service militaire et l’armée d’occupation israélienne à Gaza. The Jewish Hour, spectacle lauréat du prix du jury au festival Impatience en 2020, est le second volet de sa « trilogie de ma terre ». Cette comédie amère et loufoque à la fois témoigne d’un regard scrutateur sans complaisance et d’une verve polémiste aigüe.

C’est dans le poste…

Stéphanie (Stéphanie Aflalo), pétulante journaliste en herbe animée d’un bel enthousiasme nimbé de prosélytisme charmeur, s’apprête à inaugurer « l’heure Juive », émission de radio diffusée en direct de Netaya, ville au nord de Tel Aviv, afin de propager la bonne parole en direction des auditeurs de langue française de retour au pays. Le juvénile enjouement de Stéphanie est pimenté par le halo de mystère qu’elle entretient quant à la personnalité d’un invité surprise d’envergure XXL… D’où la curiosité grandissante et l’effervescence palpable annonciatrice des évènements exceptionnels qui gagne en salle les spectateurs ayant le privilège d’assister en direct, comme cela se fait maintenant, à l’enregistrement en studio de l’émission. Histoire de « chauffer » les ondes, notre primesautière commentatrice reçoit un premier invité genre rabbin fondamentaliste mais tendance crooner marchant sur les traces de sœur sourire, l’oreille musicale et la guitare en moins, puis un sportif de haut niveau ukrainien, pour ne pas dire russe, ayant rejoint la terre promise, se tortillant comme un ver de terre devant le micro, néanmoins apte à faire triompher les couleurs du pays de Sion dans les compétitions olympiques internationales. Après cette mise en voix et en jambes, le temps est enfin venu d’accueillir la vedette dont on taira ici le nom pour laisser la surprise aux futurs spectateurs-auditeurs (Gaël Sall enfile avec aisance le costume des trois invités successifs).

L’heure juive « barre en couille »

Seulement voilà, l’invité providentiel se la joue désinvolte, titille la présentatrice et surtout ne répond pas à ce qu’on attendait de lui… l’affaire part en vrille et en chassé-croisé puis tourne carrément à l’entartage. Bref, l’heure juive « barre en couille » et Kévin l’orthodoxe, chef de régie de l’émission, les nerfs en boule derrière son pupitre (Romain Crivellari), se sent obligé de tirer deux balles miraculeuses dans le plexus de l’invité qui n’en revient pas et ne s’en relève pas non plus. Le lecteur sera peut-être étonné de la familiarité un peu crue de l’intertitre du présent commentaire mais ce n’est rien comparé à la verdeur vindicative du propos, défilant ensuite sur écran, par lequel Yuval Rozman, en conclusion de sa pièce, interroge sa judéité à l’aune de la politique menée par son pays d’origine. J’oubliais nos trois complices en scène se métamorphosent au final en trio rock de choc… un swing instrumental endiablé qui vaut bien une messe. C’est à voir très prochainement au théâtre du Nord.

Yuval Rozman est artiste du Campus Valenciennes-Amiens du Phénix et de la Maison de la culture d’Amiens, pôles européens de création. The Jewish Hour, écriture et mise en scène de Yuval Rozman a été créé au Phénix de Valenciennes et sera à l’affiche du théâtre du Nord du 2 au 4 mars 2022. Réservations au théâtre du Nord au guichet Grand’Place à Lille, par téléphone 03 20 14 24 24 ou sur internet (theatredunord.fr).