The Jewish Hour de Yuval Rozman à Valenciennes et à Amiens

« Une heure juive » qui barre en couille

Publié le 13 mars 2020 à 18:06

Stéphanie (Stéphanie Aflalo) pétulante journaliste animée d’un enthousiasme professionnel nimbé de prosélytisme charmeur s’apprête à inaugurer « l’heure juive », émission destinée à propager la bonne parole sur les ondes radiophoniques à destination des auditeurs résidant en France. Le subtil enjouement de Stéphanie est pimenté par le halo de mystère qu’elle entretient quant à la personnalité d’un invité surprise d’envergure XXL... D’où la curiosité grandissante et l’effervescence palpable annonciatrice des évènements exceptionnels qui gagne les spectateurs du Phénix ayant le privilège d’assister en direct, comme cela se fait maintenant, à l’enregistrement en studio de cette radiodiffusion.

Tour de chauffe...

Histoire de chauffer la salle, notre primesautière commentatrice reçoit un premier invité (Gaël Sall enfile avec aisance le costume des trois invités successifs), sorte de rabbin fondamentaliste mais tendance crooner marchant sur les traces de sœur sourire, l’oreille musicale et la guitare en moins. Puis un sportif de haut niveau ukrainien, pour ne pas dire russe, ayant rejoint la terre promise, se tortillant comme un ver de terre devant le micro, néanmoins apte à faire triompher les couleurs du pays de Sion dans les compétitions internationales. Après cette mise en voix et en jambes, le temps est enfin venu d’accueillir la vedette, le messager providentiel, lequel n’est autre que BHL, Bernard-Henri Lévy, chemise ouverte, crinière dans le vent, appelé à témoigner de l’inexorable montée de l’antisionisme - antisémitisme en France. Seulement voilà, l’homme célèbre des plateaux TV se la joue désinvolte, titille la présentatrice et surtout ne répond pas à ce qu’on attendait de lui... l’affaire part en vrille et en chassé-croisé puis tourne carrément à l’entartage. Bref, l’heure juive barre en couille et l’orthodoxe chef de régie de l’émission, les nerfs en boule derrière son pupitre (Romain Crivellari), se sent obligé de tirer deux balles miraculeuses dans le plexus du philosophe médiatique qui ne s’en relève pas.

Talent polémiste et théâtral

Le lecteur sera peut-être étonné de la familiarité un peu crue du titre du présent article mais ce n’est rien comparé à la verdeur vindicative du propos défilant ensuite sur écran par lequel Yuval Rozman conclut la pièce et l’introspection de sa judéité à l’aune de la désespérante politique menée par l’État d’Israël et ses dirigeants actuels. L’histoire étant par trop dramatique, l’auteur metteur en scène, qui rappelons-le a quitté son pays après avoir déserté le service militaire et l’armée d’occupation israélienne à Gaza, a voulu donner l’apparence de la farce à ce deuxième volet de sa « trilogie de ma terre ». Le premier, Tunnel Boring Machine, traitant de l’aspect politique du conflit était sans doute plus convaincant. Quoi qu’il en soit, l’œuvre théâtrale de Yuval Rozman témoigne d’un regard scrutateur sans complaisance et d’un talent polémiste fort à propos. J’oubliais que nos trois complices en scène se métamorphosent au final en trio rock de choc... un swing instrumental endiablé qui vaut bien une messe. Et comme dans toute bonne série, c’est à suivre ...