« Grâce à Dieu »

Parole libérée contre silence d’église

par MICHELE LOTH
Publié le 28 février 2019 à 15:23

Fiction basée sur des faits réels, Grâce à Dieu, de François Ozon, s’intéresse au silence de l’Église face aux agressions sexuelles subies par des enfants.

Lors d’une conférence de presse à Lourdes en avril 2016, le cardinal Barbarin laisse échapper une parole qui choque l’opinion publique : « La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits ». Ces « faits » sont les agressions sexuelles du prêtre Preynat contre de jeunes garçons qui, pour la plupart, n’ont pas osé mettre en cause un homme au-dessus de tout soupçon et protégé par l’Eglise en tant qu’institution.
Alexandre semble heureux, il a une situation professionnelle établie, sa femme et lui forment un couple uni, il a cinq enfants qu’il élève dans la foi catholique mais une blessure profonde se réveille quand il voit une photo du père Preynat entouré de jeunes enfants dans une paroisse où il exerce son ministère. Il s’adresse alors aux autorités ecclésiastiques pour leur faire part des attouchements sexuels dont il a été victime et demande que le prêtre soit sanctionné et éloigné de toute fonction auprès d’enfants. Il se heurte au cardinal Barbarin désireux d’éviter un scandale qui pourrait éclater au grand jour au détriment des souffrances des enfants.

Melvil Poupaud incarne Alexandre Guérin.
© Jean-Claude Moireau

La nécessité d’une justice réparatrice

Face aux réticences de l’Église, Alexandre décide de porter plainte pour un crime prescrit en ce qui le concerne. Il cherche et trouve d’autres victimes qui pourront être entendus par la justice, des victimes avec lesquelles il fonde l’association « La parole libérée ».
Utilisant la fiction pour évoquer des faits réels, François Ozon aborde les ressentis intimes d’Alexandre, François et Emmanuel, la douleur de la perversion pédophile dont ils ont été victimes, la colère, la libération de la parole et les procès à venir qui marquent le début d’une reconstruction. Le scénario est adapté à la personnalité de chacune des victimes dans un film centré sur la nécessité d’une justice réparatrice.
Le cinéaste a hésité entre documentaire et fiction. Son choix permet aux acteurs de se sentir libres d’exprimer face à la caméra la douleur de ceux qu’ils incarnent.
Grâce à Dieu interroge la conscience des ecclésiastiques. L’Eglise, qui a préféré le silence à la vérité, est aujourd’hui sommée de répondre de ses actes et d’être crédible au-delà d’un discours sur la condamnation des crimes pédophiles.