Amour toujours

par Albert LAMMERTYN
Publié le 29 novembre 2018 à 16:59 Mise à jour le 9 décembre 2018

Du péché originel à l’amour libre, une histoire artistique de la relation amoureuse. Jusqu’au 21 janvier au musée du Louvre-Lens.

François Boucher, « L’Odalisque », 1743, huile sur toile, Reims, musée des beaux-arts, dépôt du musée du Louvre.
© Photo : C. Devleeschauwer

Un « Bal’Amour » au Louvre-Lens pour la Sainte Barbe, animé par Cyril Viallon et DJ Popclo, est programmé samedi 1er décembre à 20h30, en lien avec l’exposition Amour. Le slow est remis à la page.
Une visite préliminaire de l’exposition peut mettre les danseurs en condition. 
Sept chapitres la caractérisent (titres en couleur dans le présent texte). Après un prologue sous forme de sculptures funéraires antiques représentant des couples unis jusque dans la mort, elle s’ouvre sur la séduction féminine et ses dangers supposés.
A l’origine du projet, Zeev Gourarier, directeur scientifique et des collections du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM, à Marseille), a voulu « mesurer l’universalité supposée, la part culturelle et la portée sociale » de l’amour. Le résultat suggère, depuis Ève jusqu’aujourd’hui, un panorama des manières d’aimer, ponctué de citations littéraires et d’extraits de films.
Les histoires d’amour finissent peut-être mal. Mais en Occident, c’est sûr, l’histoire de l’amour commence au vinaigre. Chrétiens et Grecs s’accordent pour imputer au pouvoir de séduction de la première femme, qu’elle s’appelle Ève ou Pandora, la sortie du Jardin d’Éden ou de l’Âge d’or. La femme est jugée coupable de la perdition du genre masculin. En cas d’adultère, c’est elle qui est en tort.
Si l’exhaustivité ne rime pas avec grand-chose et surtout pas avec l’expression de l’amour, le musée s’offre quand même une cohabitation temporaire de deux cent cinquante œuvres : sculptures de Rodin, Claudel et Niki de Saint Phalle, objets précieux du Moyen Âge, peintures de Memling, Fragonard, Delacroix, etc.

Adoration et mysticisme

Avec l’avènement du christianisme, la stigmatisation du féminin finit par se heurter à l’image de la mère, sujet d’adoration. Ève avait fermé les portes du Paradis. Marie la vierge, mère du Christ, les rouvre. Honorée en tant que maman, la femme retrouve sa place auprès de son mari, mais au prix d’un renoncement à la jouissance intime, tolérée uniquement pour la procréation. Juste revanche du corps, quand la chasteté devient vertu, l’adoration conduit à l’extase, laquelle fait frémir les visages des mystiques tombés en pâmoison. La sortie de la dualité entre « séductrice dangereuse » et « mère vertueuse » passe par les tribus bédouines, porteuses de l’histoire de Leila et Majnoun, puis par la poésie arabo-andalouse. L’amour se fraye une troisième voie, celle de la passion, chantée par les troubadours. La dame se fait suzeraine de son amant. 
Après des siècles de condamnation religieuse des sarabandes et carnavals, la danse à deux, cœur-à-corps, pourrait-on dire, devient pour la première fois une étape clé du processus de conquête. Par la courtoisie, s’ouvrent les portes de la réciprocité. Elles ne se refermeront plus. Désormais les arts chantent l’amour partagé, la relation amoureuse, sous le règne de la galanterie et de ses codes, notamment vestimentaires. Le libertinage, hommes et femmes confondus, recherche le raffinement des plaisirs de la chair. Du souper fin au sous-vêtement, en passant par le boudoir...

Le romantisme va valoriser le sentiment. Le mariage d’amour commence à supplanter le mariage matérialiste. Nouveaux rituels : voyage nuptial, robe blanche et ainsi de suite. La passion est exaltée jusqu’à la mort. Même au-delà si affinités infinies. Bonjour Apollon et Hyacinthe, Pyrame et Thisbé, Roméo et Juliette, Paul et Virginie.
Par le mariage d’amour, le XIXe siècle esquisse une victoire du consentement sur les contingences sociales. Au XXe siècle, la quête de liberté conduit à l’amour dit libre, jusqu’à la relation hors mariage.
Avec Amour, le Louvre-Lens inaugure une série de présentations croisant les disciplines et les époques autour d’un thème universel. Histoire de « révéler le rôle de l’art et des artistes autrement », souligne Marie Lavandier, la directrice du lieu.
Louvre-Lens

FOCUS SUR UNE ŒUVRE
Manufacture des Gobelins d’après Pierre-Paul Rubens : Henri IV reçoit le portrait de la reine et se laisse désarmer par l’Amour. Inspirée du cycle de Marie de Médicis commandé par la reine à Rubens, la tapisserie met en scène le moment où Henri IV reçut le portrait de sa future épouse. Pratique courante dans le cadre de mariages arrangés, l’échange de portraits entre ces deux monarques se différencie par l’existence d’un amour réel entre eux. La présence de Cupidon et du couple Jupiter-Junon traduit ce sentiment, en même temps qu’il souligne le caractère volage du roi, à l’image du roi des dieux.
1825-1828, tapisserie de lice en laine et soie. Paris, Mobilier national (déposée au MEA)
© Collection du Mobilier national / Isabelle Bideau