Giacometti, primo-plongée à La Piscine

par Albert LAMMERTYN
Publié le 30 décembre 2018 à 20:41 Mise à jour le 10 janvier 2019

Alberto Giacometti, jamais exposé à La Piscine et absent jusqu’alors des collections roubaisiennes, constitue, à travers un hommage à Rol-Tanguy, une figure centrale de la saison de réouverture du musée agrandi.

En regard d’œuvres de Bourdelle et de Rodin, au cœur de la nouvelle galerie de sculptures du musée La Piscine (Roubaix, Nord), un exemplaire en bronze du saisissant Buste de Diane Bataille, conçu par Alberto Giacometti vers 1947 et déposé par la Fondation Giacometti (Paris), introduit la section consacrée au portrait sculpté au XXe siècle. Non loin, inaugurant la nouvelle salle d’expositions-dossiers sur les liens entre art et histoire, une exposition retrace les raisons et les étapes du projet méconnu du Buste de Rol-Tanguy auquel Giacometti travaille à la même époque.
C’est à l’initiative de Louis Aragon que le sculpteur crée une série de portraits d’Henri Tanguy (1908-2002), dit Colonel Rol-Tanguy, militant communiste et héros de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, chef des Forces françaises de l’Intérieur de la région Île-de-France en 1943, qui mena la libération de Paris avant l’arrivée des blindés du général Leclerc.

Antifascisme, surréalisme et lutte de classes

Alberto Giacometti. « Tête d’homme sur double socle » (étude pour la tête du colonel Rol- Tanguy), 1946, Paris, Fondation Giacometti.
(Fondation Giacometti, Paris + ADAGP, Paris), 2018.

L’exposition a été rendue possible par la contribution essentielle de la Fondation Giacometti. Rassemblant des sculptures en plâtre et en bronze, des dessins et des photographies, elle s’appuie sur des prêts importants, consentis notamment par des particuliers et par le Musée national d’art moderne.
L’engagement antifasciste de Giacometti, ses liens avec le surréalisme et avec l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires, sont rappelés - notamment via une série de six dessins politiques exécutés vers 1932 - à l’occasion de la première apparition de l’artiste suisse à La Piscine.
Le sculpteur déclare alors dans une lettre à André Breton : « Je ne conçois pas la poésie et l’art sans sujet. J’ai fait pour ma part des dessins pour La Lutte, dessins à sujet immédiat et je pense continuer, je ferai dans ce sens tout ce que je peux qui puisse servir dans la lutte de classes ».
Les portraits de Rol-Tanguy ne sont pas réalisés dans cette perspective militante. Ils témoignent néanmoins d’une amitié persistante avec Aragon. Selon Giacometti lui-même, les séances de pose avec Rol-Tanguy furent un moment fort dans les rencontres faites après son retour à Paris après la guerre : « Il n’a rien à faire avec le type du militaire, l’allure des jeunes généraux de Napoléon, il est très vif et intelligent, nous parlons de livres de guerre, etc. »
En complément, dans une esthétique proche, deux bustes de Marie-Laure de Noailles et de Simone de Beauvoir soulignent sa conception très personnelle de la sculpture : l’impression du monumental n’émane pas de la taille de l’œuvre, mais du contraste entre la proportion du motif et celle du socle.

Alberto Giacometti, portrait d’un héros, hommage à Rol-Tanguy, jusqu’au 20 janvier à La Piscine (Roubaix). Commissariat général Alice Massé
. Commissariat scientifique Michèle Kieffer (Fondation Giacometti, Paris). Scénographie Cédric Guerlus / Going Design. 
Catalogue de l’exposition publié par les éditions Invenit.