Hervé Di Rosa à La Piscine, comme un poisson dans l’art

par Albert LAMMERTYN
Publié le 22 décembre 2018 à 17:14 Mise à jour le 30 décembre 2018

Artiste polymorphe et voyageur, Hervé Di Rosa n’oppose pas art et artisanat. Il mêle les deux savoir-faire dans une œuvre commune, riche de cultures, d’expériences et de sens. Jusqu’au 20 janvier à La Piscine (Roubaix).

Hervé Di Rosa.
© Pierre Schwartz

La Piscine de Roubaix présente pour la première fois une sélection des réalisations d’Hervé Di Rosa. Au cœur de l’exposition, le public peut admirer ses dernières œuvres céramiques, réalisées lors de la dix-neuvième étape de son tour du monde créatif, auprès des prodigieux artisans de l’entreprise Viúva Lamego, l’une des fabriques historiques d’azulejos du Portugal.
Hervé Di Rosa est né à Sète en 1959. « L’île singulière », disait un autre Sétois : Paul Valéry. Mais Sète, c’est surtout un port depuis plus de trois cent cinquante ans. Est-ce là l’explication du goût d’Hervé Di Rosa pour le voyage, son appétence pour l’ailleurs ? Depuis 1993, il parcourt le monde. Géographiquement. Artistiquement. Intimement. Humainement. Un voyage spatial et temporel qui n’appartient qu’à lui mais qu’il restitue à tous.
Justement, remontons le temps. En juin1981, Bernard Lamarche-Vadel offre les murs de son loft avant déménagement à huit jeunes peintres, parmi lesquels Hervé Di Rosa. L’exposition est titrée Finir en beauté. Durant l’été de cette même année, Ben, alias Ben Vautier, invite dans sa galerie de Nice, deux des huit artistes, Robert Combas et encore Di Rosa, pour l’exposition 2 Sétois à Nice. A cette occasion, dans les colonnes de notre confrère Libération, le 29 septembre, Ben invente l’expression « Figuration libre » pour qualifier plus précisément la démarche de ces artistes : « 30 % provocation anti-culture, 30 % Figuration libre, 30 % art brut, 10 % folie. Le tout donne quelque chose de nouveau ».

« L’art modeste n’est pas un genre, c’est un regard différent sur les choses »

Dans ses œuvres, Hervé Di Rosa revient à la figuration, en réplique à des décennies d’art conceptuel et intellectuel. Il mêle toutes formes d’art sans divergence culturelle et géographique, sans hiérarchie de valeurs entre culture et sous-culture. Ses œuvres invitent tour à tour les beaux-arts et les arts appliqués, l’art brut et l’art cultivé, l’art occidental et non occidental. Il emprunte à la BD, au graffiti, à l’affiche, au Pop Art, au rock, au punk, à la culture des banlieues.
Pendant quelques années, il exposera entre l’Europe et les Etats-Unis avec notamment Keith Haring et Jean-Michel Basquiat. En 2000, Hervé Di Rosa fonde à Sète le Musée d’art modeste, le MIAM, parce que « tout est art » et qu’il faut « savoir regarder ». Un œuf Kinder comme un ex-voto. « L’art modeste n’est pas un genre, c’est un regard différent sur les choses. »
Globetrotter, vagabond, pèlerin, nomade, amoureux, Hervé Di Rosa voyage. Non comme un touriste mais comme ces compagnons du devoir, qui parcourent le monde pour rencontrer, pour apprendre et partager leur métier et leur art, curieux et attentifs aux autres. Dans cette œuvre au monde, rien d’exotique ou de colonial, mais une quête incessante d’images et de savoirs faire populaires dans l’altérité. Pas de lieux communs, pas de facilité, pas de clichés, mais une attention particulière à repousser la normalisation des cultures, un désir profond d’échanges. La recherche et la valorisation d’une pluralité culturelle.

Un partenariat patient et généreux avec les meilleurs artisans

Hervé Di Rosa, « Guerrier et robot, étape 15 : Tunis, Tunisie, 2006. Peinture sous verre. Collection particulière.
© ADAGP, Paris 2018. Photo : Pierre Schwartz

De Sofia à Kumasi, de Porto-Novo à Patrimonio, de La Havane à Séville, de Tel Aviv à Miami, de Durban à Mexico, de Binh-Duong à Tunis, de Paris Nord à Little Haïti, de Foumban à La Réunion, d’Addis-Abeba à Lisbonne, Di Rosa est à l’ouvrage. Toute matière lui est bonne. Toile, peinture, câbles de téléphone, broderies, sequins, bronze, argent, or, pierre, terre, coquillages, bois, céramique, peaux tannées, verre, papier, l’aquarelle, perles et que sais-je encore. Depuis des décennies, il œuvre patiemment et généreusement en partenariat avec les meilleurs artisans. Dans le cosmos de Roubaix, de surcroît à La Piscine, le voilà comme un poisson dans l’art.
L’exposition, programmée dans le cadre de la réouverture du musée après agrandissement, est soutenue par la Région Hauts-de-France et la Métropole européenne de Lille. Viúva Lamego et l’ambassade du Portugal en France en sont les mécènes. La scénographie bénéficie du concours des peintures Flamant, distribuées par Tollens.
Deux autres expositions Di Rosa ont lieu dans la région : Livres libres, jusqu’au 31 janvier à la galerie Art To Be, à Lille ; Peintures, peinture (1978-2018), jusqu’au 20 mai au Musée du Touquet-Paris-Plage.

Hervé Di Rosa, « Mister Africa, étape 4 : Addis-Abeba, Ethiopie », 1996. Pigment sur peau d’agneau et cadre en eucalyptys. Lyon, collection privée.
© ADAGP, Paris 2018. Photo : Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : L’œuvre au monde, jusqu’au 20 janvier 2019 à La Piscine, musée André-Diligent d’art et d’industrie. Commissariat Sylvette Botella-Gaudichon. Scénographie Cédric Guerlus / Going Design. Catalogue aux éditions Snoeck, avec le soutien de la galerie lilloise Art To Be.