La matière à remonter le temps

par Albert LAMMERTYN
Publié le 28 décembre 2018 à 21:38

Rares sont les occasions de découvrir un tel patrimoine : une vision de cent cinquante années de recherches archéologiques, sous l’angle des matériaux, exposée au Louvre-Lens.

Sculptures du monument de Pont-Sainte-Maxence : tête féminine, tête d’éphèbe, fragment d’architrave ornée, fragment de corniche à décor végétal. Pierre calcaire. Antiquité, IIe siècle après J.-C.
© INRAP / Véronique Brunet-Gaston

La Région Hauts-de-France constitue une terre d’archéologie depuis les débuts de cette discipline. Dès 1574, il est fait mention d’une exploration du site de Vendeuil-Caply, dans le sud de la région. Le Pavillon de verre du Louvre-Lens, ouvert sur le territoire dans lequel s’inscrit le musée, valorise en ce moment l’exposition Les matières du temps.
Les acteurs régionaux de l’archéologie (Direction régionale des affaires culturelles (DRAC, service régional de l’archéologie), opérateurs archéologiques et musées) se sont soudés pour mettre sur pied cette exposition qui donne un aperçu embrassant cent cinquante ans de recherches sur le territoire. La scénographie du Pavillon de verre a été métamorphosée pour présenter ce patrimoine archéologique, de manière transversale et dans les meilleures conditions.

Le cœur d’Anne de Lens

Sainte Agnès et Sainte Marie Madeleine, dites les « Belles d’Orchies ». Calcaire de l’Avesnois, traces de polychromie. Période moderne, vers 1510-1530.
© Palais des beaux-arts de Lille / Jean-Marie Dautel

Il s’agit de la première exposition d’archéologie régionale proposée par le musée lensois. « À des fins pédagogiques, c’est la question des matériaux qui a été choisie comme angle d’approche du sujet », souligne Marie Lavandier, directrice du musée. La région, pionnière, a apporté son lot de découvertes remarquables. L’exposition rassemble un florilège de ce patrimoine, depuis l’âge de la pierre jusqu’à la période contemporaine, marquée par l’archéologie des conflits. Elle présente des objets aussi rares qu’une hache néolithique encore emmanchée, une parure celte de harnachement en bronze émaillé ou encore le cœur d’Anne de Lens, reliquaire en plomb du XVIe siècle, découvert à Douai en 2007 lors de fouilles, place Carnot, qui ont révélé les vestiges de l’église Saint-Jacques et son cimetière paroissial. La relique est un cœur de plomb avec une inscription contenant un cœur embaumé (des analyses ont finalement conclu que le cœur contenu est celui d’un homme).
La sélection d’œuvres permet d’aborder de nombreuses questions, entre autres celle des influences culturelles réciproques, celle de la circulation des matières premières, ou encore celle des acquis et choix techniques.
Les matières, formes et techniques présentées offrent une vision de leurs usages à travers les âges. Leur étude, toujours en cours, résulte du travail de plusieurs générations d’archéologues amateurs ou professionnels, passionnés par leur région et son histoire.

Fouille fructueuse
à Pont-Sainte-Maxence

Céramique, pierre, métal, tabletterie, verre, enduits-peints, les matériaux archéologiques, provenant de collections de l’État et de collectivités territoriales, couvrent, dans un souci d’exhaustivité chronologique, la période allant de la préhistoire jusqu’au XXe siècle, lequel est marqué par l’archéologie des guerres.
Une fouille effectuée en 2014 à Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise, a mis au jour un vaste monument du IIe siècle de l’ère chrétienne, placé à proximité de la voie antique Senlis-Beauvais. La statuaire de cet édifice est sans équivalent en Gaule belgique. La façade, de dix mètres de haut sur quatre-vingt-dix de long, s’est effondrée d’un seul tenant et s’est enfouie dans un sol sableux gorgé d’eau qui a permis l’excellente conservation de près de cinq cents blocs et six mille fragments. Les sculptures ont été réalisées en calcaire lutétien provenant de carrières de la rive est de l’Oise.
Çà et là au sein de l’exposition, en lien avec sa thématique, plusieurs espaces de projection permettent de visionner de courts films et des clips. Dans la bulle de projection, deux films d’environ cinq minutes sont diffusés. Le premier sur les fouilles de Saint Martin d’Hardinghem, réalisé par le Département du Pas-de-Calais. Le second sur les missions du Centre de conservation et d’étude de la Somme : on suit une œuvre depuis sa découverte jusqu’à son exposition au Louvre-Lens.
Des interviews d’archéologues initialement produites par le lycée Jean-Rostand de Roubaix pour le site Nordoc’ Archéo (DRAC Hauts-de-France) complètent cette vidéothèque. Enfin, le public peut découvrir, sur tablette, une animation en 3D de la Vénus de Renancourt.

Les matières du temps, jusqu’au 20 mai 2019 au Louvre-Lens. Commissariat : Marion Audoly, DRAC Occitanie, et Adrien Bossard, musée départemental des arts asiatiques de Nice. Scénographie et graphisme : Atelier Smagghe (architecte-scénographe), Going Design (scénographe-graphiste). Exposition réalisée avec la collaboration exceptionnelle de la DRAC Hauts-de-France, service régional de l’archéologie.