Matisse a transmis son courage

par Albert LAMMERTYN
Publié le 18 avril 2019 à 12:17

Pour le cent cinquantième anniversaire de sa naissance, Henri Matisse serait fier de voir à l’œuvre la nouvelle génération d’artistes exposée dans son musée du Cateau-Cambrésis.

Avec sa double vidéoprojection sur toile de 2 mètres sur 4, Laura Petit, étudiante à Valenciennes, a remporté le 9 mars le concours organisé par le musée Matisse.
© Photo Pierre Stachowicz, ESA Valenciennes


Jusqu’à l’automne, au Cateau-Cambrésis, le musée Matisse donne carte blanche aux étudiants des écoles d’art des Hauts-de-France via une exposition collective, à partir d’une réflexion du peintre : « C’est un premier pas vers la création que de voir chaque chose dans sa vérité, et cela suppose un effort continu. »
De manière elliptique, cette citation a souvent été ramenée à la formulation abrégée et plus ou moins proche : « La créativité demande du courage », d’où le titre de l’exposition en cours, pour laquelle il a été proposé aux étudiants de s’interroger sur la possible influence de l’œuvre de Matisse dans leur travail. Quel regard porte la jeunesse sur le maître de la couleur ? Quel est l’héritage des maîtres anciens ? Où en sont le métier d’artiste et celui d’enseignant à l’heure de l’art 2.0 ?
Les élèves de l’école de dessin Maurice Quentin de La Tour (Saint-Quentin) utilisent le découpage et le cyanotype, ancienne technique de photographie, pour une réalisation collective sous l’impulsion de leur professeur Michaël Portelette.

Le miel des « Abeilles »

Ex-élève de cette même école, Marie-Françoise Carpentier se dit sensible à « l’intimité de certains moments familiaux » chez Matisse et aux « lignes épurées » de ses portraits. Elle est partie d’une photo personnelle de ses petites-filles pour créer Océane et Chloé, gravure sur linoléum.
Pauline Etre, qui étudie à Amiens, s’est intéressée à la couleur et à l’émotion pour sa vidéo d’animation (réalité augmentée) titrée A 13 ans, basée sur un portrait réalisé par le peintre de sa fille Marguerite à cet âge, dont il semblait déjà pressentir l’avenir sombre.

« Océane et Chloé », gravure sur linoléum, Marie-Françoise Carpentier.
© Photo DR - Saint-Quentin

À l’École supérieure d’art Nord-Pas-de-Calais Dunkerque-Tourcoing, Louise Carbonnier évoque la démarche littéraire de son travail, discernant dans la peinture « une grammaire et un vocabulaire », tandis que les motifs floraux d’Antoine Watel, jouant séparément de la gravure sur bois et du Plexiglas® avant de les rassembler en une seule composition, rendent un bel écho à Matisse.
Sur cent participants au projet, une soixantaine de lauréats se retrouvent au musée dans une présentation collaborative de peintures, sculptures, vidéos, dessins, estampes, céramiques, design textile, à quoi s’ajoute un parcours de « réalité augmentée » à partir d’œuvres de la collection Matisse qui requiert pour le visiteur le téléchargement de l’application Artivive sur smartphone ou tablette. L’ensemble des acteurs de la chaîne du processus de création artistique ont été à l’ouvrage avec cette pépinière de talents. L’opération est parrainée par la galerie d’art Smagghe (Paris).
En offrant le vitrail Les Abeilles à l’école maternelle du Cateau, Matisse voulait leur ouvrir les portes de son univers joyeux et coloré. L’exposition montre, selon le mot de Patrice Deparpe, directeur du musée, que « cette transmission s’opère toujours ».

La créativité demande du courage, jusqu’au 29 septembre au musée départemental Matisse. Commissaire d’exposition : Thomas Wierzbinski. Écoles d’art participantes : Amiens, Dunkerque, Tourcoing, Valenciennes, Saint-Quentin, Denain, Beauvais, Roubaix, ainsi que le Studio national Le Fresnoy (Tourcoing).
> Plus d’informations
> Les coulisses du projet sur le site de Radio Campus Lille, partenaire de l’opération.

Photo utilisée en logo d’article : Mylène et les labyrinthes, Danièle Dagnicourt.
© Photo DR - Saint Quentin