Quand Sally rencontre Sars-Poteries…

par Albert LAMMERTYN
Publié le 12 janvier 2019 à 14:23

Sally Fawkes, invitée à découvrir puis à réinterpréter le bocage de l’Avesnois, rend une copie artistique singulière. L’exposition Vice VERsa est visible jusqu’au 17 février au MusVerre de Sars-Poteries (Nord).

« Motion I », 2018. Verre peint, miroir, bois.
© Ph.Robin

L’artiste verrière britannique Sally Fawkes est friande d’observer son environnement, puis elle le photographie, le croque ou le peint pour s’en imprégner. Autant de rituels qui circonscrivent l’émotion. Ainsi vont les jours de ses séjours, chaque fois qu’elle part voir ailleurs qu’en Angleterre si elle y est.
Précisément, dans l’Avesnois, elle s’est rencontrée, peut-être plus que jamais. Si le propre de tout artiste est de voir et de faire surgir ce qui ne saute pas à d’autres yeux, chez Sally Fawkes ce cheminement prend un tour délicieux. L’œuvre de sa résidence au musée du verre de Sars-Poteries est un récit en soi, mais le commentaire inépuisable qu’elle peut en faire ajoute des fleurs à l’ouvrage. Dans sa relecture du territoire de l’Avesnois, s’exprime la nostalgie d’un passé recomposé au prisme d’un regard d’enfant.
Son travail artistique s’attarde sur les notions de lieu et de frontières, met en évidence un ensemble de dualités fondatrices : entre France et Belgique, entre grandes routes et chemins étroits, etc. « Elle revisite de simples objets du quotidien, des éléments d’architecture vernaculaire, des traces de l’activité humaine ou encore les vibrations de la nature », s’enthousiasme Aude Cordonnier, directrice du MusVerre (baptisé ainsi en 2016 à l’occasion de sa renaissance).
Intuitive et insatiable de curiosité, convaincue que « nous en savons toujours moins parce que la technologie nous permet d’en savoir toujours plus », Sally Fawkes peut créer au détour d’une idée, d’une lecture, de toute substance du monde réel, comme de toute étincelle de son imaginaire. Alors, si au cinéma Harry rencontre Sally et que ces deux-là mettent beaucoup de temps à s’enflammer mutuellement, ici, quand Sally rencontre Sars-Poteries, plus généralement son territoire, c’est une sorte de coup de foudre en elle. Mais un de ces coups de foudre mystérieux de la création, de l’ordre de la révélation, qui assoiffe et appelle à plus de connaissance. En se promenant dans le bocage de l’Avesnois, elle est en somme saisie par la grâce.

Entre carnet de voyage et journal intime

« Eternal Echoes / Echo Stones » (détail), 2018. Miroir, pâte de verre.
© Ph.Robin

L’exposition Vice VERsa est le fruit de son exploitation sensible d’une résidence artistique qui lui a permis de découvrir le territoire d’une façon très personnelle. Les sculptures de Sally Fawkes révèlent toutes les émotions ressenties lors de ses immersions, la force des paysages traversés, de l’histoire vécue et du temps passé.
Rien n’échappe à sa sagacité : passé industriel et verrier, activités locales, modes de vie, maillage bocager, réseau des rivières et des ruisseaux, chaque détail prend sens. Tout touche notre touche-à-tout. La célèbre pierre bleue de l’Avesnois fait écho aux murets de son Angleterre. L’église de Solre-le-Château l’enchante. Tel élément architectural d’une façade l’inspire (installation Eternal Echoes / Echo Stones).
Ici l’artiste réinvente la marelle, réminiscence de l’enfance, en utilisant le miroir qui apporte la quatrième dimension et qui garde l’empreinte des chaussures des gosses en train de jouer. Là ses panneaux peints fragmentent l’espace, dont la matérialité est encore renforcée par une grille métallique. Aux projets achevés, se superposent parfois les réalisations des étapes préliminaires, ébauches essentielles à l’introspection.
Sally Fawkes a amorcé son aventure dans l’Avesnois en juillet 2017 à l’atelier du verre de Sars-Poteries. Deux semaines de repérages suivies de huit semaines de création. Au gré des atmosphères, l’artiste a exploré les paysages et sondé leurs habitants. Entre carnet de voyage et journal intime, son laboratoire de recherches s’est construit jour après jour. Les traces du passé, qui marquent chaque atome du terrain, sont minutieusement documentées.
Sally Fawkes avoue que sa résidence « a eu un impact extrêmement positif » sur son développement en tant qu’artiste. Une de ses œuvres antérieures, Silent Motion, datant de 2011, est visible dans les collections du musée.
Sally a aimé Sars-Poteries forever. Et vice versa.

Vice VERsa, jusqu’au 17 février 2019 au MusVerre, à Sars-Poteries.