Anonyme. Service des étrangers de la préfecture de Police Paris. Années 1930 © Archives de la Préfecture de Police de Paris. © Succession Picasso 2021.
Exposition à Paris

Picasso l’étranger

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 4 février 2022 à 13:57

Appréhender le parcours de Pablo Picasso (1881-1973) à travers son rapport à l’administration française. Le palais de la Porte-Dorée nous y invite en s’appuyant sur les travaux d’Annie Cohen-Solal [1], la commissaire d’une exposition riche en archives jusqu’alors inexploitées [2]. L’œuvre de Pablo Picasso, ses engagements artistiques (cubisme, etc.), ses amitiés avec les poètes Max Jacob et Guillaume Apollinaire ou plus tard le collaborationniste Jean Cocteau, y sont appréhendés sous le prisme de son statut d’étranger. En provenance de son Espagne natale, Picasso gagne Paris, son exposition universelle et sa colonie catalane dès 1900. Il est d’emblée fiché comme « anarchiste » pour sa proximité, sans doute plus matérielle qu’idéologique, avec les milieux libertaires de Montmartre. Au fil des ans, son œuvre gagne en notoriété… Célébré à l’international, il continue d’être ignoré ou presque dans son pays d’adoption. En 1937, en soutien aux Républicains espagnols, il peint Guernica. Cet étendard de résistance à tous les fascismes lui vaut d’être qualifié d’« artiste dégénéré » par le IIIe Reich.

Statut d’étranger

Pendant la « Drôle de guerre », toujours étroitement surveillé comme étranger, il demande la naturalisation française de crainte d’un retour forcé vers l’Espagne de Franco. Son passé le rattrape. Elle lui est refusée parce qu’il aurait « conservé ses idées extrémistes tout en évoluant vers le communisme ». Reclus à Royan le temps du conflit, Picasso en gardera une amertume envers la France. « Pendant quarante ans, Picasso sera perçu comme un intrus, un artiste d’avant-garde. Autant de stigmates dont il ne parla jamais à personne, mais qui marquèrent indéniablement son quotidien » rappelle Annie Cohen-Solal. À La Libération, il adhère au PCF. « J’avais tellement hâte de retrouver une patrie ! J’ai toujours été un exilé. Je ne le suis plus », déclare un homme qui, tournant définitivement le dos à la capitale, s’installe en Provence en 1955. Trois ans plus tard, l’État lui propose la nationalité française. Il la refusera…

Notes :

[1Un Étranger nommé Picasso, par Annie Cohen-Solal. Fayard. 2021.

[2Musée national de l’histoire de l’immigration, 293, avenue Daumesnil, Paris 12. À voir jusqu’au 13 février 2022. Site : palais-portedoree.fr. Rens. : 01 53 59 58 60.