Le Conseil régional entend donner un coup d’accélérateur à sa politique d’éducation à la tolérance et à la paix envers la jeunesse. Il faut « permettre aux jeunes de perpétuer le devoir de mémoire », lit-on sur le site de l’institution. « Devoir » ou « travail » de mémoire, il s’agit de réagir à la disparition des derniers témoins de l’holocauste en sensibilisant davantage ceux que l’on appelle les « ambassadeurs », c’est-à-dire ceux qui vont à leur tour transmettre. Les lycéens sont les premiers concernés. Pour ce faire, lors de la commission permanente qui s’est tenue le 25 mai, les élus ont voté la reconduction de l’opération « Travail de mémoire » sur les années scolaires 2023-2024 et 2024- 2025. Cela se traduit par un déplacement mémoriel de deux jours prévu à la fin de l’année au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Ce déplacement sera proposé aux élèves des établissements qui auront rendu un dossier de candidature motivé. Les adolescents devront aussi préparer un travail de préparation et feront une restitution à leur retour.
Le voyage des lycéens sera désormais organisé chaque année
La commission a alloué une subvention de 113 000 euros à l’association du Mémorial de la Shoah (photo ci-contre) pour l’organisation du voyage. Le dispositif avait été lancé en 1996 en partenariat avec les directions académiques de Lille et Amiens et le Mémorial de la Shoah, mais désormais, le voyage sera organisé chaque année et non plus tous les deux ans. La Région va lancer un appel à projets à l’automne prochain à destination des lycéens. Cela permettra de retenir les établissements intéressés. Le voyage sera réservé aux élèves de terminale tandis que ceux de première travailleront sur un projet pour l’année suivante.
Présidente du comité lillois de l’Association nationale des anciens combattants et ami(e)s de la Résistance (Anacr)
Quel regard portez-vous sur l’action de la Région en matière de devoir de mémoire ? Ce ne peut être une fin en soi. Le camp d’Auschwitz-Birkenau n’est pas le seul lieu de l’horreur nazie malgré l’émotion que sa visite peut susciter. Il faut de toute façon un travail préalable de la part du corps enseignant. Ensuite, je préfère le terme “travail de mémoire”. Cela procède de l’émancipation de la jeunesse et non d’une injonction.
L’investissement des enseignants est prévu dans le projet qui est présenté. Vous croyez que cela ne suffit pas ? Nous, à l’Anacr, nous avons envie de travailler régulièrement avec le public scolaire pour leur expliquer l’esprit de la Résistance. Par exemple, nous organisons des balades historiques avec des élèves pour qu’ils comprennent ce qu’il s’est passé dans les années 40. Nous l’avons fait récemment autour de la bataille d’Haubourdin, près de Lille. Nous parlons aussi des combats qui se sont déroulés à Arras, du massacre de Carvin, etc. Nous voulons faire connaître la résistance locale et donner des visages aux résistants à travers les plaques de rue qui portent leur nom. À Loos [ville où Colette Becquet siège pour le PCF dans les rangs de l’opposition, NDLR] nous avons souhaité faire changer le nom de la place Thiers par place de la Résistance. Cela a été un lieu de combat. La préfecture n’a pas souhaité donner suite. Nous persistons.
Comment réagissent les jeunes ? Ils ont une vraie conscience et font un travail de qualité. Nous intervenons tous les ans au lycée hôtelier de Lille à l’occasion de la journée nationale de la Résistance. L’an dernier, le nom de Pierre Charret [l’un des derniers résistants, NDLR] a été donné à l’auditorium du lycée Beaupré d’Haubourdin. Il était présent et a pu échanger avec les élèves.
Lille : Des pavés pour ne jamais oublier
Comme l’ont déjà fait d’autres villes en France, et Douai dans le Nord, la ville de Lille a pro- cédé à la pose de cinq « Stolpersteine », ces pavés de la mémoire dorés, portant le nom de déportés dans les camps nazis. Ils sont placés devant l’ancien domicile des victimes à l’image (photo) de ceux que l’on peut voir désormais au 10, place des Reignault. En souvenir de Bernard Teichler et de sa fille, trahis par un passeur qui les avait livrés à la Gestapo. Lors de la pose des pavés le 12 mai, des élèves ont raconté leur histoire. La délégation de lutte contre les discriminations de la Ville a mené cette action avec l’association Lille-Fives 1942 et la participation du collège La Salle, des lycées Ste-Odile et Fénelon et de l’école Lakanal. « Il peut paraître étrange, a souligné la maire Martine Aubry, de placer ces petits carreaux de 10 cm² et sur lesquels les gens vont marcher. Ces pierres nous ferons trébucher dans nos têtes et constitueront des rappels sur ce drame de l’humanité. » La maire a par ailleurs rappelé la recherche qu’elle a demandé sur l’attitude des fonctionnaires de la ville de Lille, durant l’occupation. « Tout le monde ne pliait pas l’échine, a-t-elle insisté. Si le secrétaire général livrait des listes de personnes juives aux nazis, ses adjoints allaient prévenir les familles concernées, évitant des drames supplémentaires. » Création de l’artiste berlinois Günter Demnig, les Stolpersteine redonnent une part d’humanité aux habitants persécutés par les forces d’occupation mais dépourvus de sépulture.