Éditions Plon/Flammarion, version illustrée, relié sous jaquette, 256 pages, 19,90 €.
Dictionnaire amoureux de Venise de Philippe Sollers

À l’image de la vraie splendeur de la Sérénissime

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 28 novembre 2022 à 15:42

Philippe Sollers est un amoureux de la Cité des Doges d’une fidélité sans faille, il y séjourne chaque année depuis des décennies et connaît intimement cette ville-univers où se sont sédimentées toutes les cultures. Dans cet ouvrage, il revient sur les traces de ses déambulations à travers ses Venise, les explorant au fil du temps. Déjà en 1991, dans La Fête à Venise, il exposait son approche : « J’attends l’ombre, la dérobée. Je connais ce passage à gauche… Voir-sentir-écouter-toucher partout de partout ». Il s’y promène, respire, regarde, dort, s’y perd pour découvrir ses secrets, pour s’émerveiller, pour la vivre.

Le regard, la tête et le cœur emballés

Le paysage maritime, les canaux et les ruelles le captivent autant que la magnificence des places, palais, musées, églises. Venise lui parle de l’intérieur plus que comme un spectacle, dit-il. Au fil des pages, il évoque les écrivains, peintres et musiciens qui s’en sont épris : Tintoret, Véronèse, Manet, Titien, Bellini, Monet, Hemingway, Stravinsky, Proust, Dominique Rolin, Vivaldi, Willy Ronis et Cécilia Bartoli… parvenant ainsi à capter l’évanescent, l’impalpable, l’imaginaire vénitien. Mémoire enchantée d’un lieu dont il nous fait partager l’amour qu’il lui porte, qui s’avère celui qu’il porte à lui-même et qu’il instaure, sans en avoir conscience, comme condition du plaisir de l’incessante redécouverte de Venise offerte aux lecteurs. Une manière pour ceux-ci de devenir les contemporains d’une histoire millénaire et de se retrouver projetés dans l’instant d’un temps démultiplié. Révélations ou souvenirs éveillés, aiguisés, magnifiés par l’image : les photographies dont certaines mettent des détails en valeur et les reproductions de tableaux d’une qualité exceptionnelle stimulent la lecture plutôt qu’elles ne l’illustrent, une savante et heureuse mise en scène de pièces ainsi rendues uniques. Ce dictionnaire ne doit rien au « guide bleu », éperdu d’amour et d’une élégance peu commune, il croise érudition et intensité sensorielle. De la place Saint-Marc au quai Zattere, en passant par la Fenice (oh ! le souvenir de Senso de Visconti), le Café Florian, l’Arsenal, l’œil ne peut que se rassasier d’une fête à maintes voix et jeux de couleurs les plus secrets. Une passion, un art de vivre en flânant dans un lieu courtisé et célébré : une porte ouverte sur un des gais savoirs de la vie.