Un printemps neuf de Vincent Roy - Le Cherche-Midi - 120 p. - 14,50 euros
« Un printemps neuf » de Vincent Roy

Combat pour la littérature

par Matthieu Guerin
Publié le 21 octobre 2022 à 14:35

L’intrigue est mince : un écrivain (le narrateur de ce Printemps neuf) quitte Paris pour Venise, « ce jardin débordant sur l’eau  ». Là, il rencontre une femme, Lila. C’est l’amour : « Manifestement, quelque chose de fondamental ne veut pas être entendu, c’est-à-dire accepté : qu’un homme et une femme puissent être vraiment heureux humainement à égalité. Autrement dit, qu’ils parlent la même langue. Sans cette conversation gratuite, laquelle implique un accord physique de fond, pas d’amour fou  ». Dans la grande tradition française (de moins en moins suivie ou de plus en plus abandonnée, c’est selon), Vincent Roy nous livre un roman philosophique. Pour cet écrivain singulier, la société ment sur les rapports entre les êtres humains. Il s’agit donc de la démasquer : «  Qu’est-ce qu’un roman ? Le relevé et la mise en perspective des symptômes de l’époque dans laquelle il s’écrit  ». Symptôme ? Le néoféminisme excluant qui débonde. En somme, l’amour entre un homme et une femme n’est pas « au programme  » social parce qu’il n’est pas rentable. A rebours, Lila et le narrateur, à l’écart, vont vivre dans une « gratuité heureuse » : «  Nous ne sommes pas dans un film, avec Lila, nous vivons loin des clichés de cinéma, la société ne passe pas par nous. Comme nous sommes heureux, elle cesse même d’exister. C’est la clef  ». La Sérénissime est l’un des personnages centraux de ce roman. C’est là que les deux clandestins « cavalent jusqu’au bout sur leur désir » : le décor s’y prête. Ici, et ici seulement, ne peut-on confondre Vénus et la Vierge ? Autrement dit, l’amour sacré et l’amour profane ? Ce qui frappe d’emblée, dans ce roman cultivé qui convoque Breton, Artaud, Casanova, Shakespeare ou Joyce, c’est l’écriture, le style qui agit, pour paraphraser Flaubert, comme un « contre-pouvoir  ». Vincent Roy, à n’en pas douter, mène un combat pour la littérature et c’est salutaire. « C’est la guerre pour la vérité du désir érotique qui est un désir de littérature », écrit-il.