: Guyart des Moulins. Bible historiale de Saint-Omer, vers 1335-1340. BNF. La colombe annoncera la décrue du déluge.Éditions du Seuil, 240 pages, 39 €
Blanc. Histoire d’une couleur de Michel Pastoureau

Couleur mise en perspective, colère sans fin et le grand partir

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 16 décembre 2022 à 10:21

Historien, expert en armoiries et blasons, auteur d’ouvrages sur les tympans et portails romans, le bestiaire médiéval et l’histoire culturelle d’animaux (loup, taureau, corbeau), Michel Pastoureau est le spécialiste en matière de couleurs. Blanc est le sixième et dernier d’une série commencée en 2000 : successivement Bleu, Noir, Vert, Rouge et Jaune. Depuis la plus haute Antiquité jusqu’à nos jours, le blanc a toujours été considéré comme une véritable couleur, sauf lors de la découverte du spectre de la lumière par Newton. L’imprimerie, la photographie et le cinéma exhaussent le noir et blanc à une souveraine distinction. Le blanc est pauvre en nuances : blanc cassé ou ivoire, chacun y voit ce qu’il veut ; seuls le mat et l’éclatant sont nets. Michel Pastoureau est resté fidèle au plan chronologique, se donnant les moyens d’étudier la couleur dans la durée et sous tous ses aspects : religieux, savoirs scientifiques, pratiques sociales et créations artistiques. Au niveau symbolique, il y a ambivalence et les valeurs positives l’emportent sur les négatives. La pureté, la virginité (immaculée conception, robe de mariée) ; la propreté, l’hygiène (professions de santé, blancheur des draps et sous vêtements jusqu’à une période récente). Si le rouge est associé à la guerre, le blanc l’est à la paix (drapeau blanc : trêve, arrêt des hostilités, colombe). Dans le domaine social et politique, «  l’homme blanc  », aristocrate ou bourgeois, cajole son égotisme, encense sa supériorité en se distinguant du paysan au teint hâlé et du colonisé. À l’opposé, le blanc est la couleur de la matière vague (fantômes, spectres), de l’absence, du manque (nuit blanche, page, chèque en blanc), de la mort (linceul). Fidèle à lui-même, à l’aide d’une abondante iconographie, Michel Pastoureau réussit à chaque fois de dire tant de choses sur l’histoire de l’Europe et notre perception du monde à travers une couleur.