Éditions Delcourt, cartonné, 226 x 298 mm, 200 pages, 29,95 €
Les Pizzlys de Jérémie Moreau

Damner le pion au No future

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 23 décembre 2022 à 08:07 Mise à jour le 21 décembre 2022

Depuis la mort de sa mère, Nathan subvient aux besoins d’Étienne et de Zoé, son frère et sa sœur. Il sillonne les rues de Paris pour le compte d’Uber à bord de sa voiture achetée à crédit. Il enchaîne les courses écourtant ses nuits. La fatigue est telle qu’il est incapable de réfléchir, et quand son portable GPS tombe en panne, c’est la catastrophe. Burn out, il craque et c’est l’accident. Annie, sa dernière cliente, touchée par ce jeune homme complètement épuisé lui propose de l’accompagner en Alaska, sa terre natale qu’elle avait quittée quarante ans auparavant. Nathan incapable de faire face à l’adversité accepte et la petite famille se transplante dans un univers inconnu. Le réchauffement climatique, la fonte des glaces ont bouleversé l’écosystème dont bénéficiait le peuple de chasseurs-cueilleurs. La pauvreté s’accentue, l’alcool et la drogue font des ravages. Actualité tragique, il reste l’espoir qui anime la jeune génération : la fille du voisin d’Annie vit en symbiose avec l’univers de la forêt qui peuple ses rêves et qu’elle dessine en compagnie de Zoé. Rechercher de nouveaux repères et les pistes ancestrales, renouer des relations avec le vivant non humain et la force persistante des mythes. Nathan arpente tout l’espace alentour, non pour en prendre possession mais pour que tous ces chemins fassent une « carte dans son corps ». Une nature préservée subsiste encore, univers d’une nature magique, espace pictural fascinant : gamme variée dans ses intensités, juxtaposition d’aplats larges ou de touches de couleurs pas ou peu mélangées qui s’éloignent de leur référence réaliste pour traduire les sensations visuelles et se confronter aux vêtements fluo des trois expatriés. L’homme saura-t-il s’adapter à ce monde livré à une conquête sans limite et à la logique de la rentabilité, comme le pizzly, croisement entre l’ours polaire et le grizzli ?