Rue de Sèvres, Label 619, 112 pages, 19 €
Short Story. La véritable histoire du Dahlia Noir

De quels amours brûlée

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 23 décembre 2022 à 08:07 Mise à jour le 21 décembre 2022

1946. Elizabeth Short, une jeune femme de 22 ans, née dans une famille ruinée par la crise de 1929, rêve de cinéma. Comme d’autres jeunes femmes qui fantasment des réussites à l’instar des Lauren Bacall, Veronika Lake ou de Deanna Durbin, actrice adolescente à succès du studio Universal, elle quitte le Massachusetts pour Los Angeles et espère franchir la grille de l’usine à rêves, Hollywood, ville mirage. 15 janvier 1947, elle est retrouvée atrocement mutilée dans un terrain vague. L’album retrace ses trois derniers mois. Aguichante, elle s’accroche aux militaires en permission, fréquente bars, night clubs, fêtes privées et collectionne les désillusions. Fabulatrice, mythomane, elle s’invente des vies dans les lettres destinées à sa famille. Los Angeles, Cité des Anges ? Le décor idyllique a son revers trouble : un « melting pot  » où se croisent escrocs, voyous, souteneurs, flics ripoux et laissés-pour-compte du rêve américain, « un terrain de chasse idéal pour les prédateurs ». Run et Florent Maudoux, enquêteurs orfèvres, évoquent certes le crime crapuleux et l’enquête mais ils s’emploient plutôt à dresser le portrait d’une jeune femme pleine de contradictions, fleur bleue cherchant avant tout à être entourée, admirée et aimée, à rejoindre les actrices magnifiées dans les pages glacées des fan magazines. Et ce à la différence de la presse de l’époque, au diapason d’une Amérique puritaine qui s’illustre en qualifiant Elizabeth de vamp sulfureuse, prostituée, gouine, traînée. Ils ont réalisé un véritable travail de journalistes d’investigation. Le récit de BD est entrecoupé de manchettes de journaux, d’extraits du dossier judiciaire, d’archives du FBI, de témoignages et de publicités de l’époque. Ce croisement des données n’entrave nullement la narration superbement confortée par des dessins aux couleurs semblables à celles des revues des années 1940, sépia ou pastel.