Mon Pachyderme délicat et Mon Lézard héroïque d’Isabelle Simler

Fictions documentées : science et fantaisie

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 10 février 2022 à 22:42 Mise à jour le 9 février 2022

Plume, l’élégant et esthète chat noir qui aime les oiseaux et les plumes que nous avons découvert en 2012, reçoit aujourd’hui de drôles d’invités. L’un énormissime, un éléphant dont une seule molaire suffit à équilibrer le poids de notre greffier attentionné. L’autre qu’un gros plan nous dévoile tel un immense et inquiétant dragon, apparaît dans la page suivante « miniaturisé » en lézard de 20 centimètres posé sur un pot de petite plante d’appartement. Trop longtemps, on a limité les capacités des animaux à la seule force de leur instinct et délibérément négligé leur intelligence, à savoir raisonner, communiquer et transmettre. Isabelle Simler, avisée observatrice de la nature, a inséré la large et précise documentation qu’elle a réunie dans le récit de la rencontre de Plume avec son hôte. Les notes de bas de page nous informent sur le corps, le caractère et le vécu quotidien de l’animal. Les données scientifiques n’écrasent nullement les relations qui se nouent entre le locataire de passage et le maître de maison.

Avec l’éléphant, géant paisible, c’est une proximité chaleureuse qui s’instaure. L’autrice concilie fantaisie et naturalisme qu’elle aborde avec un humour sympathique : le repas qu’elle qualifie de « frugal » comporte 300 kilogrammes de végétaux durs et ligneux par jour ! D’un côté Plume, de l’autre l’éléphant d’Afrique, 4 mètres de haut, 6 tonnes : lorsqu’ils se quittent, Plume est « immense » en amorce au premier plan, tandis que l’éléphant s’éloigne « petit ». Les relations sont différentes entre Plume et le lézard qui prend du bon temps, se dore au soleil, déambule dans le potager et chasse chenilles, pucerons et limaces. Mais ce « prédateur » allié des jardiniers devient la proie du chat et doit disparaître prestement dans une fissure entre les pierres d’un mur. Il finira néanmoins par perdre un bout de queue… Rien de grave, elle repousse. Ces docufictions sont portées par des illustrations sans rivales. La profusion de traits fins et délicats, obtenus à l’aide de la palette graphique, tout en participant à la « fabrication » des couleurs, rend presque palpable la peau craquelée de l’éléphant, les écailles du lézard et amplifie le bond du chat, griffes ouvertes, ou le déplacement ondulant du petit reptile. Tout vit, une merveille savante, tout en mouvement et sensations tactiles.

Les deux albums aux éditions courtes et longues, 64 pages et 15 € chacun.