Eva se désespère de n’être pas comprise et aimée. Elle rêve de rencontrer l’homme de sa vie. En attendant ce jour béni... Ses seules relations, ce sont les SDF qu’elle aide avec générosité. Sa mère et sa sœur la croient instable, recluse et craignent que son état mental ne se détériore. Sa patronne Cloé qui l’exploite, l’invite pourtant à l’occasion de son anniversaire et lui présente son frère Jimmy, un homme spontané, enjoué, pétri de gentillesse et d’attention. Eva n’ose se livrer, appréhendant être un jour délaissée. Mais Jimmy reste plein d’entrain, avenant et tendre... le compagnon idéal ‘tombé du ciel’ juste avant le grand confinement. Commence dès lors une lune de miel indéfiniment prolongée. Deux tourtereaux dans le petit appartement d’Eva, une bulle ouatée entre travail télé, autorisations de sorties pour achats de produits de première nécessité et activités physiques. Un bonheur sans partage, tous deux tentent de couper toute relation avec leurs familles, l’une inquiète, l’autre possessive. Celles-ci les pressent sans relâche, les assaillent de coups de téléphone, jusqu’au jour où la police frappe à la porte de l’appartement.
Bonheur en trompe-l’œil et sa réelle relance
Retournement (inattendu ?) qui conduit le lecteur à reconsidérer rétrospectivement l’idylle sans nuages, vraiment trop belle pour s’arrêter là ou pour se pour suivre ad vitam aeternam. Quelques signes jettent un trouble. La fiction s’impose à tous les niveaux. Eva, rêveuse impénitente, qui fantasmait sa vie, porte le nom de la femme inventée dans un des premiers romans de l’humanité. De plus, la couverture dotée d’une image- cliché qui peuple les romans photos ou dessinés, ces magazines type Nous deux, Festival ou Charme et Monte Carlo pour les plus récents, désigne l’ouvrage comme miroir aux alouettes. Cette présentation pastiche, illustration stéréotypée du roman photo, fait vaciller la réalité de ce couple extraordinairement miraculeux. Avec l’arrivée de la police, le roman bascule de l’onirisme au réel, d’une existence par procuration à un vécu au présent. Eva, jeune femme vulnérable qui sait être fantasque, vive, enjouée, se débarrasse de son cocon de peurs et de croyances. Désormais, elle sait quel amour l’embrase. Une délivrance, apaisement et réconciliation avec soi. En recourant à la force du romanesque, Isabelle Minière réussit pleinement à restituer par l’imaginaire la complexité d’une vie vraie.
