Coédité Les Requins Marteaux/Super Loto éditions, 256 pages, 39 €

Ras le bol de Cardon : la passion d’agir

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 16 décembre 2022 à 10:04

« Perdre la vie à la gagner  », « Ne me libère pas, je m’en charge »… Tels sont les deux titres des cinq recueils de strips, bandes dessinées en quelques cases, que Cardon a réalisées chaque semaine de 1972 à 1976 dans L’Humanité Dimanche, tout en collaborant avec Le Canard enchaîné. S’insurger, dénoncer, accuser, cela le fait vivre, le fait agir. Déjà en 1959, il a 23 ans et travaillant dans l’atelier de la base sous-marine de Lorient, il explose : « J’étais un révolté… J’avais en moi une colère, il fallait ne rien dire, j’étais prêt à me battre ». Dans une librairie de la ville, il découvre la revue Bizarre, il débarque à Paris chez l’éditeur Pauvert et propose ses dessins qui sont acceptés. Il s’installe à Paris et rencontre l’équipe d’Hara Kiri, Topor, Fred, Wolinski, Cabu, Gébé, autour du professeur Choron et de Cavanna. Compagnon de route du PCF, il dessine pour diverses revues du parti mais est toutefois en butte au fonctionnement vertical du parti. Les choses évoluant, L’Humanité Dimanche lui donne carte blanche pour les planches de strips : parler de la condition ouvrière et de la dureté de la société, s’insurger, dénoncer, inciter à voir, à penser autrement. L’artiste est au cœur même de ces visions du monde. Dessins de la conscience d’une époque, expressions d’une liberté qui rend les êtres réfractaires à tous les enfermements. Colère et lucidité dirigent les incisions de sa plume, précise et puissante lame de fond : trame de traits serrés et de plages lumineuses. Livre-somme d’un combat de tous les instants : «  l’espoir pointe malgré tout, dépouillé de toute illusion ».