Les rééditions se distinguent des nouvelles publications par un liseré jaune qui entoure le dos et la couverture et rappelle les couvertures des années soixante-dix et quatre-vingt, âge d’or de la collection. On retrouve autant des romans d’auteurs français qu’américains. Parmi les Français, après un titre de Jean-Patrick Machette, L’Affaire N’Gustro, paru l’an dernier, on aura le plaisir de redécouvrir Raf Vallet, un écrivain dont les romans ont connu des adaptations cinématographiques marquantes, Adieu poulet ! et Mort d’un pourri, portés respectivement à l’écran par Pierre Granier-Deferre, avec Lino Ventura et Patrick Dewaere, et Georges Lautner, avec Alain Delon et Maurice Ronet. Les romans éponymes sont d’ailleurs illustrés par une photo des acteurs issue du film, comme pour souligner la filiation entre les œuvres littéraires et cinématographiques. Ces romans sont nés de la plume d’un auteur qui emploie divers pseudonymes et exerce en tant que journaliste à L’Aurore, journal centriste des années cinquante et soixante assez hostile à de Gaulle en raison de sa politique de décolonisation contrainte. C’est sans doute pour cette raison que Raf Vallet est à son aise pour dénoncer le gaullisme finissant et le pompidolisme sans éclat, entaché de nombreuses affaires qui compromettent les milieux du pouvoir. Dans Adieu poulet !, l’intrigue concerne un flic, guère plus corrompu que la moyenne, lâché par sa hiérarchie dans une sombre affaire de proxénétisme. Mal lui en prend car Vergeat en fait une affaire d’honneur et décide de se venger de ceux qui ont cherché à avoir sa peau. L’intrigue de Mort d’un pourri est plus en relation avec l’affairisme immobilier qui régnait dans les allées du pouvoir à cette époque. Un promoteur immobilier est assassiné mais son précieux cahier, véritable bombe pour beaucoup de politiciens et d’hommes d’affaires véreux, se promène dans la nature au risque de tomber en de mauvaises mains qui pourraient s’en servir pour exercer un chantage ou pour faire exploser la République, suivant leur obédience politique. Chacun des deux romans est accompagné d’une préface de Gilles Magniont et de Nicolas le Flahec qui éclaire les enjeux politiques et littéraires des œuvres. Ces deux romans de Raf Vallet, qui n’appartiennent pas à une série, sont une plongée dans les années soixante-dix, si proches et si lointaines de nous. Une réédition salutaire qui doit permettre de redécouvrir ces romans, un peu occultés par le succès des adaptations cinématographiques. La rançon de la gloire, sans doute.
- Raf Vallet, Adieu poulet !, préface de Gilles Magniont, Gallimard, Série noire, 272 pages, 14 €.
- Raf Vallet, Mort d’un pourri, préface de Nicolas Le Flahec, Gallimard, Série noire, 304 pages, 14 €.
