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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Agnès Delbarre, animatrice radio

Publié le 23 avril 2021 à 15:58

Tous les matins, de 9 h 30 à 11 h, j’entendais la voix d’Agnès sur France Bleu Nord. Je fantasmais forcement. Pour notre rencontre, j’avais laissé le comptoir de La Chope pour la place Louise-Michel, son banc, son arbre où Günther faisait ses trois gouttes. Quand elle est venue à ma rencontre accompagnée de son chien Étienne, cela m’a détendu. Elle aussi aimait donc les chiens moches. Günther a remué la queue, a reniflé le cul d’Étienne, puis ils sont partis jouer. En voyant Agnès, Samir aurait pu dire : « Encore une comédienne ? »Mais non, pas que voyons ! Agnès me dit : « Je faisais du théâtre amateur avec ma mère à Aubry-du-Hainaut. Elle avait créé le Nouveau Théâtre Aubrissien. Elle était éduc’, mais faisait de la chorale, de la peinture, de la musique. J’ai ensuite pris des cours à l’atelier ado de théâtre, puis au conservatoire à Valenciennes, à la fac, et au conservatoire de Lille. » Elle m’avait aussi parlé de son père, tourneur dès 13 ans à Usinor à Ferfay jusqu’à la fermeture de l’usine, « un homme à mecs, aimant la pêche, se retrouvant de plus en plus seul à la mort des ses amis d’usine atteints de cancer ». De cette enfance ouvrière, il est resté à Agnès ce besoin de proximité avec les habitants du Nord qu’elle n’a jamais voulu quitter. Agnès devient alors comédienne. « Premier cachet en faisant une voix pour un spot de pub.  » Mais elle fut vite déçu par le métier d’acteur et le monde du théâtre « J’avais adoré travailler avec Laurent Hatat sur l’adaptation du Grand Cahier, mais il me manquait souvent la grande aventure humaine et artistique. Il y avait un esprit de compétition, la recherche du cachet qui ne me convenait pas. Je savais qu’il fallait se vendre, chercher la reconnaissance, monter des projets, être à la recherche de subventions. Je n’avais pas envie de la précarité de ce métier.  » C’est lors d’un remplacement à FIP qu’elle découvre la radio. De fil en aiguille, elle intègre l’équipe de Fréquence Nord tout en enregistrant des pubs, les Audiotels. Elle commença à y écrire des chroniques culturelles. « À mes débuts à Fréquence Nord, je ne comprenais pas ce que c’était être animatrice. Puis, j’ai animé « Urgences », un programme de solidarité pour des personnes dans le besoin, pour donner la parole à des associations. J’ai compris que la radio était un canal formidable pour informer les gens, qu’ils sachent qu’ils ne sont pas tout seuls. Je trouvais qu’il y avait un sens. La radio tient compagnie aux gens, en les rendant fiers de ce qui les entoure, de leur identité culturelle dont ils n’ont pas forcément conscience. C’est le cœur de la mission d’une radio régionale.  » Fréquence Nord est alors devenue la famille qu’elle n’avait pas trouvée au théâtre. Pendant que les clebs jouaient en nous tournant autour et en aboyant, Agnès me parla d’interviews inoubliables comme celle d’Yves Coppens, ou des directs improbables sur des places de villages aux conditions techniques plus que douteuses. Cette vie de radio, Agnès l’a vécue passionnément, même si elle est loin d’être terminée. Nous ne pouvions qu’aborder la suite : « La radio, telle que nous l’avons connue est un medium qui va disparaître. Très peu de jeunes écoutent la radio, excepté ceux qui ont été bercés dans leur enfance par RTL ou France Inter. C’est affectif. Maintenant, il y a les podcasts, les streams, des fils info sur les téléphones, si la radio continue d’exister, c’est par des programmes sur le net. J’ai tendance à me révolter contre les boîtes de conserve sonores d’où tout vient de Paris. J’ai l’impression aujourd’hui d’être un dinosaure. » Agnès est partie avec Étienne. Je suis resté seul avec Günther inconsolable. Alors, on a joué à la baballe. Demain matin, j’écouterai Agnès autrement.

« La vie en Bleue » du lundi au vendredi de 9 h 30 à 11 h sur France Bleu Nord.