Olivier Despicht, le portrait à taille humaine

par Franck Jakubek
Publié le 3 janvier 2019 à 14:58 Mise à jour le 10 janvier 2019

Liberté Hebdo offre sa une à un artiste chaque début d’année. Cette fois, c’est le photographe Olivier Despicht. Portrait d’un portraitiste.

Depuis l’âge de seize ans, il sait qu’il veut être photographe. Son premier salaire, il l’a investi dans l’achat d’un appareil photo. Un appareil qu’il a toujours. Olivier Despicht vit, respire et pense photographie. C’est comme ça. Sa silhouette longiligne et sa démarche calme contrastent avec un regard toujours en mouvement, vif, acéré, mais bienveillant.

Un détour par Saint-Luc, à Tournai, en Belgique, lui confère le bagage technique qu’il va tout de suite confronter à la réalité de la prise de vues de commande. Nous sommes à l’orée des années 90. Il œuvre pour les grands de la VPC, et les catalogues d’abord, comme Les 3 Suisses, après quelques mois de galère, puis pour la publicité, comme photographe salarié.

Portrait en surimpression d’Olivier Despicht réalisé par des stagiaires du centre de formation d’apprentis de Laon (Aisne), avec La Chambre d’eau, association culturelle de Le Favril (Nord).

Aujourd’hui, il partage son temps entre le Centre d’Arts plastiques et visuels (CAPV), rue des Sarrazins à Lille, où il enseigne à mi-temps, et des ateliers pour la Maison de la culture de Tournai pour un public d’adultes. Il sort d’un stage, et en janvier va participer à une rencontre dans un collège à la demande d’un prof.

Et entre deux, il travaille sur ses projets. « Enseigner, c’est mon métier désormais  », confie-t-il, et il adore ça, visiblement. Transmettre, donner des clés... «  Ce n’est jamais la même chose tous les ans, le programme est identique mais les approches sont différentes, les participants ne sont jamais les mêmes ».

Il reste en veille, toujours en train de se nourrir des images des autres, de découvrir de nouveaux travaux. Et se consacre à cœur perdu aux trois piliers de sa pratique, le paysage, ses modèles et sa femme. Trois univers récurrents, où le portrait est omniprésent. « Même le paysage, c’est un modèle disponible.  »

Mylène, sa compagne et modèle

Avec sa compagne, Mylène Chevalier, il s’est institué un compagnonnage artistique unique. Elle est son modèle par excellence. Avec un suivi et une pratique régulière qui l’ont amené à devoir trier deux cent mille images prises lors de plus de cinq cents séances pour n’en retenir qu’une quarantaine pour une exposition qui s’est déroulée en 2017 à la galerie du Lapin Perdu à Tournai.

Mylène 2009-2016, 26 janvier 2013 (Photo Olivier Despicht)

Sa première expo déjà, au milieu des années 90, mettait en scène leur complicité dans un ensemble de photomatons exceptionnels à la galerie Frontière(s) dirigée et créée par le regretté Gérard Duchesne à Hellemmes, près de Lille.

Travailleur acharné qui trie, classe, et sélectionne avec précision ses images, Olivier ne cache pas qu’il s’est servi de la photo pour combattre la timidité. Il ne dit pas combien il fait vivre son art avec humanité même s’il n’en vit pas. Loin de tous circuits commerciaux, son réseau est celui d’amis, de rencontres artistiques tissées au fil du temps, avec constance et fidélité. Et un profond respect pour l’âme de ses sujets. « C’est plus facile pour moi de faire le portrait de quelqu’un que je ne connais pas  », avoue-t-il.

Comme si dans ce cas les seuls paramètres techniques comptaient. Une bourse d’aide à la création de la DRAC en 1999, qu’il a tout de suite investie en film Polaroid 55, avec négatif, pour travailler ses portraits à la chambre, puis une autre de la part de la Région quelques années plus tard lui ont permis de se sentir « un peu repéré  ». Mais ne lui ont pas enlevé sa simplicité et sa gentillesse.

Vous pourrez découvrir une partie de sa façon de travailler le 9 janvier lors du vernissage de l’exposition [1] réalisée avec les jeunes participants à l’atelier mené grâce à l’association Etin-Celles (Belgique) en lien avec le festival Ramdam, le festival tournaisien du film qui dérange. Un workshop sur la «  culture qui ne sert à rien et qui coûte cher », un pied de nez aux marchands conçu sur six à huit mois avec quatre autres photographes et un groupe de participants.

Une occasion de venir constater la qualité et la profondeur de ses réalisations en attendant une grande et belle exposition à Lille que nous réclamons à grands cris. A bon entendeur...

POUR ALLER PLUS LOIN

Le travail d’Olivier Despicht en deux livres

  • Amandinois, issu d’un travail réalisé de portraits en relais avec les habitants lors d’une résidence d’artiste à Mortagne-du-Nord financé par le Conseil général dans le cadre de « Présences artistiques » en 2012, avec le soutien financier pour la publication du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais.
  • Vacances, issu aussi d’une résidence d’artiste, conçu en juillet dans des lieux vides, des locaux commerciaux vacants des centre-villes de Maubeuge et Aulnoye-Aymeries en 1998. L’association Maubeugeoise Idem+arts mobilisa une quinzaine d’artistes, plasticiens et photographes en leur donnant carte blanche. Au fur et à mesure des déplacements entre les deux communes, Olivier Despicht s’est plus attaché à photographier les paysages, un de ses leitmotiv, lors des nombreux trajets.

Et sur le web et les réseaux sociaux

mots d’ailleurs
Voici ce que disent les éditions l’Héliotrope au sujet de sa série "Mylène 2009-2016".

Notes :

[1Travaux réalisés avec quatre autres photographes et les stagiaires de l’asso Etin-Celles. Vernissage mercredi 9 janvier à partir de 18h30, Les Locos donnent de la Voix, 30 quai Saint Brice à Tournai