DR
Cathy Apourceau-Poly

Arc n’est pas un canard boîteux !

Publié le 27 février 2023 à 12:56

La forte inflation, en particulier dans le domaine de l’énergie, fragilise beaucoup de grandes entreprises. C’est le cas du verrier Arc dans le Pas-de-Calais. La sénatrice communiste, Cathy Apourceau-Poly a interpellé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire sur les mesures d’accompagnement de l’État, pour cette entreprise qui emploie près de 5 000 salariés.

Vous avez interrogé le ministre de l’Économie sur le « bouclier tarifaire » dont pourrait bénéficier Arc ? En effet, j’ai déposé une question écrite dans ce sens. C’est du ministère de l’Industrie, dans une conférence téléphonique que m’est venue la réponse : Arc n’est pas éligible à une aide directe ! Et pourtant, les dépenses de gaz qui s’élevaient à 19 millions d’euros en 2021 ont représenté 70 millions en 2022. Et les prévisions 2023 tablaient sur 220 millions. Pour y répondre, Arc a lancé un plan de réorientation stratégique, Arcadia, qui repose sur la fermeture du four D et une réduction progressive des effectifs. Mais une aide directe pour limiter la hausse de la facture énergétique serait nécessaire. Bercy justifie cette situation par « les bons résultats de l’entreprise en 2022 par rapport à 2021 qui la rend inéligible à une aide sur ses dépenses énergétiques. Elle touchera au mieux 4 millions d’euros. L’État aide Arc dans ses discussions avec Engie, pour négocier un étalement de la facture... et cherche un biais pour contourner les exigences de la Commissions européenne ».

Vous étiez déjà intervenue en octobre 2022 sur la situation financière d’Arc, à l’occasion d’une rencontre avec l’ensemble des organisations syndicales, avec Fabien Roussel. Où en est-on aujourd’hui ? La dette a été assainie en juin 2022, avec un apport de 18,5 millions d’euros de l’actionnaire, et un apport du même montant de l’État, sous la forme d’un PGE. Mais elle reste considérable : 400 millions d’euros. L’entreprise envisage de solliciter une nouvelle aide de l’État, pour couvrir des échéances d’emprunt. On parle de 30 millions d’euros. Bercy m’a confirmé qu’on allait vers un refinancement, d’ici l’été prochain, à condition que l’actionnaire accepte d’y participer à part égal de l’État. La situation financière d’Arc est suivie de façon hebdomadaire par le CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle). Il est trop tôt pour fixer le montant de l’intervention (mais le ministère ne dément pas le chiffre de 30 millions d’euros), car il veut d’abord préciser les besoins financiers après renégociations avec tous les fournisseurs de l’entreprise.

Les salariés d’Arc ont été très présents dans les manifestations à Saint-Omer contre la réforme des retraites. Est-ce lié à la situation particulière de l’entreprise ? Les salariés d’Arc ont beaucoup donné. La pénibilité est une vraie question dans cette entreprise. Mais il ne vous aura pas échappé que toutes les réductions d’emplois chez Arc, et il y en a eu ces vingt dernières années, se sont faites sans PSE, sans licenciements. Et ce essentiellement en jouant sur la pyramide des âges qui a permis de faire partir en « préretraite » des milliers de salariés. Une partie du succès d’Arcadia, l’actuel plan de restructuration, repose sur la gestion de la pyramide des âges. À peu près 120 salariés doivent partir en retraite en 2023, et 160 en 2024. C’est à peu près l’effectif du personnel du four D que l’entreprise a prévu de fermer. De plus, il existe dans l’entreprise un dispositif qui lui est propre qui permet de convertir l’indemnité de fin de carrière en départ anticipé. Le plan Arcadia « joue » sur les départs en retraite pour éviter de passer par un PSE pour redimensionner l’entreprise. Si la réforme des retraites devait passer en l’état, c’est tout ce système qui serait remis en cause. Les salariés d’Arc l’ont bien compris, leurs patrons aussi qui ont évoqué le sujet avec le ministère de l’Industrie. J’ai posé la question à Bercy qui a prudemment botté en touche, en reconnaissant toutefois que la situation serait plus délicate dans les entreprises avec des PSE en cours.

L’État doit-il continuer à aider Arc ? N’est-ce pas un puits sans fond ? Nous sommes favorables à toutes les mesures qui permettent de maintenir et développer notre industrie. Arc n’est pas un « canard boîteux » : c’est un fleuron de l’industrie nationale. Et le sort de 4 800 salariés et leurs familles ne nous est pas indifférent. Nous continuons à penser qu’une entrée de l’État au capital d’Arc, vu l’ampleur des fonds investis et des transformations en cours, serait une mesure propre à rassurer créanciers, fournisseurs et salariés.

Mots clés :

Pas-de-Calais