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Buitoni : La double peine des salariés du géant de l’agro

par Mourad Guichard
Publié le 17 mars 2023 à 15:28

Traumatisés par le décès d’enfants ayant consommé des pizzas dont les conditions de production furent dénoncées avant le drame par les salariés de Caudry, ceux-ci sont désormais de chômage. Explications.

Après une fermeture administrative de neuf mois, puis une réouverture partielle, l’usine agro-alimentaire Buitoni de Caudry est menacée de liquidation. C’est l’un des fleurons de la filière agro-alimentaire européenne. L’une des rares entreprises dont le nom est intimement attaché à des produits grand public, tels que les pizzas ou, anciennement, les raviolis. Depuis 2022, Buitoni est pourtant à l’origine d’un immense scandale sanitaire qui a conduit au décès de deux enfants après la consommation de pizzas contaminés par la bactérie Escherichia coli. Après neuf mois de fermeture administrative et deux millions d’euros investis pour une remise en état de la chaîne de production (on y croisait des rats, des moisissures, de la rouille, des mites alimentaires...), l’activité avait partiellement repris courant décembre 2022. Mais le 2 mars, le couperet est de nouveau tombé. La direction a stoppé la production et menace de laisser sur le carreau les 140 salariés présents sur le site de Caudry (Nord). Sur le site où des rassemblements de soutiens ont eu lieu ces derniers jours, la colère ne faiblit pas. « Ça me rend triste de voir Buitoni dans cet état », regrette une salariée sous couvert d’anonymat. « Cela fait 30 ans que je travaille ici, et ça me fait vraiment mal. Les justifications de la direction ne sont pas pertinentes et c’est sans doute ce qui a entretenu cette colère. » La salariée fait allusion aux éléments de langage du groupe Nestlé qui argue d’une baisse des commandes et de la préférence des consommateurs pour les marques distributeurs.

1827 C’est l’année de lancement, au coeur de la Toscane (Italie), de l’entreprise familiale de fabrication et de commerce de pâtes. 56 C’est le nombre de cas de contamination recensés suite à la consommation de pizzas infestées par la bactérie Escherichia coli. 140 C’est le nombre de salariés sur le site de Caudry

Des soutiens

Son collègue Stéphane, qui travaille en boulangerie également depuis 30 ans, partage ce désarroi et cette colère. « Je suis en pleine dépression et j’ai du me mettre en arrêt maladie jusqu’à la fin du mois. Nous avons été trompés par la direction », dénonce-t-il. Ce salarié, comme de nombreux autres, assure qu’il participera au blocage de l’usine « jusqu’au recul de la direction du groupe ». Dans un communiqué adressé, lundi, aux médias, Geoffroy Debailleux, secrétaire du PCF Cambrésis, s’est ému de cette situation. « Nous, militantes et militants communistes du Cambrésis apportons notre totale solidarité aux 264 salariés (avec ceux de l’entreprise voisine Tereos, ndlr) de ces deux entreprises, mais aussi aux saisonniers, agriculteurs, transporteurs, commerçants, ainsi qu’à toutes les centaines de personnes qui voient leurs emplois indirects menacés par la fermeture de ces sites », écrit-il. De son côté le président de région Xavier Bertrand, présent sur le site, a exigé que « la direction prenne ses responsabilités ». Syndicats et élus locaux devaient se voir en fin de semaine pour envisager de nouveaux modes d’action.

Sylvain Halle, maire de Quiévy
© DR

Je suis ici par solidarité pour sauver les emplois menacés. Ça fait chaud au cœur de voir autant de monde mobilisé, surtout pour les salariés de Buitoni. Puis, j’ai une pensée pour ceux d’Escaudœuvres qui sont terriblement impactés. Pour moi, cette situation chez Buitoni était préméditée. La direction savait très bien qu’il y aurait des difficultés quand les unités de production allait redémarrer. Les entrepreneurs auraient du anticiper et prévoir pour ne pas se retrouver dans cette situation.

Agnès Béranger, adjointe au maire de Caudry en charge des finances et du personnel
© DR

C’est important d’être ici pour nous, car il faut défendre les emplois de Caudry et des alentours. Il faut pas oublier que Buitoni fait vivre quand même beaucoup de familles sur le secteur. Je pense que le groupe Nestlé doit prendre ses responsabilités et trouver une alternative pour sauver l’ensemble des emplois.

Une usine construite en 1982 La première usine Buitoni voit le jour en 1827 à Sensepolcro (Toscane). Elle est fondée par Giulia et Giovanni Buitoni. Quatre ans plus tard, débute la mécanisation de la chaîne de production. C’est en 1982 que l’usine de Caudry est construite. Elle se spécialise dans la fabrication de pizzas surgelées. C’est sur ce site qu’est fabriquée la gamme Fraîch’up dont plusieurs lots seront, en 2022, contaminés par la bactérie Escherichia coli provoquant l’intoxication d’une cinquantaine de consommateurs et la mort de deux enfants. Le 1er avril de cette même année, un arrêté préfectoral suspend l’activité industrielle de l’usine, plongeant les salariés dans l’incertitude. Le manque criant d’hygiène apparaît au grand jour, comme la présence de champignons sur les murs, de déchets alimentaires au sol, de nombreux rongeurs dans l’usine... Après une réouverture partielle en décembre 2022, la nouvelle d’un arrêt total de production est annoncée début mars. La direction, qui évoque une baisse drastique des commandes, assure que les salariés seront fixés sur leur sort à la toute fin du mois.

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