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Nicolas Cuvillier

L’engagement sans concession des salariés de l’énergie

par Philippe Allienne
Publié le 14 avril 2023 à 14:58

Dans notre région, comme partout en France, les salariés de l’énergie sont les premiers à s’être mobilisés contre la réforme des retraites. Nicolas, 34 ans, est l’un des leurs. Il nous explique les mobiles de son combat et celui de ses collègues.

Nicolas Cuvillier est salarié au centre de production nucléaire de Gravelines. Depuis quatre semaines, il est en grève. Sa compagne aussi. Les énergéticiens ont été les premiers à entrer dans le mouvement contre la réforme des retraites. Ils ont aussi voté la grève reconductible. Quatre semaines, cela commence à peser sur le couple. « On se débrouille pour tirer un salaire qui nous permette de vivre, avec les enfants. » Les enfants sont trop jeunes pour se joindre à la mobilisation. Mais au sein de la famille, on commence à craindre l’essoufflement et à discuter des modalités de la lutte. Ne faut-il pas aller plus loin, durcir les actions ? « Cette question, je l’entends aussi chez les collègues », déclare Nicolas qui est aussi dirigeant fédéral au sein de la Fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME-CGT). Il poursuit : « Nous revendiquons un service public de l’énergie. L’énergie est un bien commun. Nous sommes responsables et nous n’allons pas plonger le pays dans le noir ! Nous ne pouvons nous permettre d’aller sur des actions de ce type. » Les modalités de l’action font débat au sein des énergéticiens. Nicolas Cuvillier comprend Alexis Antonioli, ce secrétaire CGT TotalEnergies de la raffinerie de Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime) s’inquiète de la stratégie de l’intersyndicale qui repose sur « des journées de grève éloignées les unes des autres (et qui) fatigue tout le monde. (...) Mettre les travailleurs onze jours en grève sur deux mois, on sait pertinemment que ce n’est pas quelque chose de nature à faire reculer le gouvernement. Les mettre à la suite dès le 7 mars aurait été plus efficace ! » « Certes, répond Nicolas Cuvilier, mais on ne peut dessouder l’intersyndicale même si on n’est pas tout à fait d’accord avec sa stratégie. » Et de préciser aussitôt que « les énergéticiens sont sur le terrain tous les jours, en grève et, le cas échéant, lors des blocages ». Nicolas ne s’arrête jamais. Tôt le matin, il rejoint les piquets de grève et rentre à pas d’heure. Ses responsabilité syndicales le mènent aussi sur d’autres sites, dans la région ou ailleurs en France. « Sans compter l’entraide dans le cadre de l’inter-pro. » En tout cas, les énergéticiens sont connus pour leurs actions qui, très rapidement, ont débuté sur les lieux de production, à commencer par les centrales nucléaires, dont celle de Gravelines. Ont suivi les blocages des stockages gaziers comme celui de Gournay-sur-Aronde (Oise), le terminal méthanier de Dunkerque et tout ce qui touche à l’énergie dans la région sans oublier les barrages hydrauliques dans la région Rhône-Alpes qui sont toujours bloqués. « C’est vrai qu’après deux mois, nous sommes fatigués. Fatigués physiquement, fatigués également de n’être pas entendus par le gouvernement. Si l’on sent aujourd’hui une diminution des lieux de blocage, si l’on sait qu’un certain nombre de piquets de grève sont en train de lever, on part sur des modalités différentes. De toute façon, nous répondons systématiquement aux appels de l’intersyndicale et aux appels à la grève. » « Évidemment, explique Nicolas, nous aimerions réellement que le Conseil constitutionnel déboute cette loi. Il nous est difficile d’entrevoir comment, dans le cas contraire, cela va se passer après ce vendredi 14 avril. Mais nous ne lâcherons pas. » Parmi les cordes qu’ils comptent à leur arc, outre les actions de blocage, les énergéticiens mettent en avant leurs actions «  Robin des Bois  ». « C’est un message que nous envoyons au gouvernement par rapport à l’inflation et aux décisions politiques prises sur l’énergie et l’augmentation des factures avec la libération des marché. » Cela, c’est pour les personnes en difficulté énergétique. Mais la FNME n’oublie pas les endroits stratégiques, comme les centres commerciaux ou les grandes entreprises, pas plus qu’elle n’oublie les permanences des parlementaires qui ont accepté la réforme des retraites. « Ceux-là, nous les mettons en sobriété  », sourit Nicolas, militant syndical et aussi membre du PCF. Cette mobilisation exemplaire contre la réforme n’est pas, loin s’en faut, un fait d’arme unique pour les énergéticiens. La bataille contre le projet Hercule qui voulait casser le service public de l’énergie a payé. « Mais on sait que cela reviendra sous une autre forme. Nous serons là », promet Nicolas Cuvillier. Pour l’heure , « de Lille à Pau, du Blayais à Montpellier, des Côtes-d’Armor au département de l’Ain, du sud au nord, d’est en ouest, les salariés de l’énergie (...) restent mobilisés, debout pour revendiquer le retrait de la réforme des retraites (...) ». Cette déclaration, que l’on peut lire sur la page d’accueil du site de la FNME-CGT, c’est aussi le credo de Nicolas Cuvillier.

Toute une histoire

14 septembre 1988 : naissance à Liévin (62). 2007 : Adhère à la CGT. 2009 : Un BTS électrotechnique en poche, il entre au centre de production nucléaire de Gravelines. 2021 : Il devient dirigeant fédéral de la FNME-CGT. Il est aussi animateur du Conseil fédéral des jeunes (CFJ). Auparavant, il avait été élu délégué syndical puis secrétaire adjoint du syndicat.