Assemblée nationale

Yaël Braun-Pivet, la “bienséance” et son “ami”... Sébastien Chenu

par Nils Wilcke
Publié le 16 juin 2023 à 13:15

Nils Wilcke est journaliste et fin observateur de la vie politique française. Il nous fait part de son analyse sur les étroits et curieux liens qui unissent Sébastien Chenu, le député du RN du Nord, et Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale.

« Pas de craquage mais le respect des usages et de la bienséance » , me répond Yaël Braun-Pivet sur Twitter le 8 juin dernier. La présidente de l’Assemblée nationale vient de reprendre vertement Clémentine Autain, qui défend pour son groupe l’abrogation de la retraite à 64 ans. Son crime ? La députée LFI a omis de la saluer, comme le veut la coutume avant sa prise de parole. « Elle est comme ça, Yaël, m’explique, amusé, un député macroniste. Elle tient beaucoup à la politesse. » Une autre élue insoumise, Danielle Simonnet, a elle aussi eu droit à une remontrance le 12 juillet dernier, pour la même raison. Curieusement, Marine Le Pen, qui a elle aussi oublié de la saluer le même jour, n’a pas essuyé la moindre remarque. La présidente entretient d’excellentes relations avec la (vraie) patronne du RN et surtout avec son lieutenant, Sébastien Chenu. L’été dernier, elle retrouve le député du Nord au Bourbon, le restaurant prisé par les députés et la presse parlementaire. Auréolée de sa victoire au perchoir, « Yaël » rayonne, comme les élus RN, qui fêtent leur percée aux législatives. La voilà qui « claque la bise » à « Sébastien », sous le regard éberlué de ses collaborateurs et... de quelques journalistes présents. Le grand public ne saura rien de cette démonstration d’affection, la nouvelle présidente y veille à coup de « off », ces petites phrases prisées par les journalistes politiques. Marine Le Pen a droit au même traitement lors de la rentrée parlementaire, en octobre : « Elles ont ri comme de vieilles copines », se souvient un témoin. Les membres de son cabinet sont estomaqués tout comme les huissiers de la présidence d’ordinaire imperturbables.

Le malaise gagne une partie de la Macronie

«  Ils sont amis au travail et à la vie », me confie une source au sein de la présidence de l’Assemblée. « Ils échangent des SMS, ils plaisantent ensemble tout le temps et se tiennent par le bras », renchérit un cacique de Renaissance, proche d’Emmanuel Macron. « Yaël ne cache même plus de sa préférence pour Chenu », déplore un autre député, « atterré » par son comportement. À son image, le malaise gagne une partie de la Macronie. Comment expliquer cette rela- tion amicale, entre la progressiste juive et petite-fille de juifs polonais qui ont fuit les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, et un élu de l’extrême droite ? « Elle estime que c’est un mec du RPR et pas un nazi », souffle un membre de son cabinet. De fait, le RN est comme chez lui à l’Assemblée sous la présidence de Yaël Braun-Pivet. La formation de Marine Le Pen, forte de 88 députés, a obtenu deux sièges de vice-présidents (dont Sébastien Chenu). De même, Yaël Braun-Pivet a désigné une députée RN à la délégation parlementaire au renseignement, qui suit l’activité de nos services secrets. Encore une attribution qui fait grincer des dents, compte tenu des liens financiers du parti avec la Russie. « Chenu est respectueux de sa fonction. Il est propre sur lui et fait le job tout en rondeur, il a tout compris », déclare Karl Olive, l’un des seuls députés de la majorité qui accepte de s’exprimer ouvertement sur le sujet. Comprendre, il porte la cravate, contrairement aux députés LFI qui la font tourner en bourrique. Plus grave, « l’extrême droite est un parti comme les autres pour Yaël, déplore une source au sein de son cabinet. Elle fait preuve d’une naïveté politique confondante, elle ne perçoit pas le danger du RN. » Naïve, Yaël Braun-Pivet ? « Elle se veut au-dessus des partis, mais elle est de ceux qui normalisent l’extrême-droite », s’emporte le député de la majorité Rémy Rebeyrotte, qui ne digère pas d’avoir été sanctionné pour avoir répondu par une parodie de salut nazi à « une provocation » du RN. D’autre suggère qu’elle prépare 2027. En coulisse, les accointances de Yaël Braun-Pivet avec un parti extrémiste inquiètent. « Ce qui était simplement un problème quand elle était simple députée devient une affaire d’État », s’alarme un proche du président de la République. « Le procès qui m’est fait sur le RN est ridicule », balaie la présidente de l’Assemblée dans la presse. Comme si, pour Yaël Braun-Pivet, la bienséance et le respect des convenances ou sa carrière l’emportaient sur tout le reste...

Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale

Sébastien Chenu, député RN