Social

André en redressement et en attente d’un repreneur

Publié le 3 juillet 2020 à 18:52 Mise à jour le 6 juillet 2020

Rien ne va plus pour le distributeur de chaussures André depuis que l’enseigne a été reprise par Spartoo.com, un site grenoblois de vente en ligne spécialisé dans la chaussure, le prêt-à-porter et la maroquinerie. Elle a été placée en redressement judiciaire durant la crise de la Covid. Les salariés dénoncent une mauvaise gestion. Le 30 juin, ils se sont mis en grève et ont rejoint, à Lille, la manifestation interprofessionnelle.

Mercredi 1er juillet, le tribunal de commerce de Grenoble (siège du groupe Spartoo) a entendu un repreneur potentiel, M. Feijo, ex-PDG d’André et ex-PDG du concurrent Eram. Il propose de reprendre 47 boutiques sur les 180 que compte l’ensemble du territoire. Aucune décision n’a été rendue. Des précisions sont en effet attendues sur le financement.

Retards des approvisionnements

« Spartoo nous a expédié en 24 heures chrono en envoyant 450 salariés à Pôle emploi. » Voilà ce qu’on pouvait lire sur la banderole portée la veille, mardi 30 juin, par la CGT des magasins André, en tête de la manifestation lilloise. Auparavant, ils s’étaient rassemblés devant le magasin de la rue Faidherbe. Ils dénoncent « des conditions de travail abominables ». Lors du rachat d’André, il y a moins de deux ans, Spartoo, promettait « monts et merveilles » à ses employés. Mais le groupe, en redressement judiciaire depuis fin mars a « conduit André à sa perte ».

Dans la métropole lilloise, ils sont 17 employés répartis dans trois magasins à Lille et trois autres à Villeneuve d’Ascq (V2), Wasquehal et Englos. « Au moment du rachat, raconte Jessica Alliot, élue CGT au CSE d’André, un Plan de sauvegarde de l’emploi a été négocié avec promesse que notre avenir ne serait pas remis en cause dans les années à venir. Spartoo nous avait alors assurés que nous vivrions encore 100 ans ! » L’enseigne a été créée il y a 120 ans. 18 mois plus tard, le groupe ne veut plus entendre parler du PSE. « Les promesses ne sont pas tenues, la situation empire depuis le 11 mai. Pas de main-d’œuvre, pas de stock, donc pas de chiffre. Nos revendications sont légitimes. On ne demande pas la lune, juste du respect. »

Parmi les erreurs de gestion dénoncées, Jessica Alliot cite les retards d’approvisionnement. « Nous devons attendre parfois plusieurs mois. Par exemple, nous avions besoin, pour la rentrée de septembre, d’un stock de modèles mi-saison. Nous l’avons reçu en novembre alors que plus personne n’en veut. » La réduction des heures de présence en magasin a d’autre part entraîné une augmentation des tâches et le manque d’effectif se fait durement ressentir. Les burn-out s’enchaînent. Quand un employé est seul en magasin, il ne peut gérer l’afflux de clientèle en respectant les règles sanitaires imposées par la crise du coronavirus. Résultat, les clients rechignent à attendre et repartent sans rien acheter.

Faire du chiffre

Masque sur le nez, Emmanuel raconte, la voix tremblante, les cinq semaines pendant les- quelles il gérait seul la boutique. « J’étais motivé pour reprendre le travail, même avec l’épidémie. Malheureusement, certains clients sont inconscients, ils ne respectent pas les règles et ne mesurent pas les risques. » Actuellement, les consignes sont claires : pas plus de dix personnes dans l’enceinte du magasin, masque obligatoire et application de gel hydroalcoolique dès que le pas de la porte est franchi. « Je dois gérer les entrées et la boutique, pour une seule personne, c’est impossible. Je suis obligé de fermer la porte lorsque je pars en réserve pour que les clients n’affluent pas. » Des difficultés dont témoigne aussi sa collègue Carole. Après 40 ans de bons et loyaux services au sein de l’entreprise, la doyenne de la boutique n’a pas voulu reprendre le travail après le déconfinement. « Avant la Covid-19, la situation n’était pas formidable, mais aujourd’hui, c’est de pire en pire. À l’époque l’entreprise était beaucoup plus centrée sur l’humain, maintenant, il faut faire du chiffre et si les clients n’achètent pas, c’est notre faute. »

Un mode de fonctionnement qui pèse sur le personnel, qui tente tant bien que mal de respecter les directives imposées, face aux débordements de la clientèle. « J’ai demandé à une cliente de mettre du gel hydro- alcoolique sur ses mains, elle a refusé et m’a insulté. À partir de ce moment j’ai décidé de contacter l’inspection du travail pour qu’ils soient témoins des conditions désastreuses dans lesquelles nous travaillons. » Face à ce constat et aux « promesses brisées », les commerçants appellent à une grève reconductible pour le 15 juillet, premier jour des soldes.

Nassima Azizi