Social

La ligue de l’enseignement fusionne dans la douleur

par Philippe Allienne
Publié le 26 avril 2019 à 13:25

Au départ, il y a une histoire de confiance. Confiance entre un président associatif, celui de la fédération du Nord de la Ligue de l’enseignement et son délégué général. Ce dernier, Guy Dhellemme, était lui-même président de la structure. Lorsqu’il change de statut pour devenir permanent (et cadre dirigeant), le nouveau président, Jean-Pierre Delcambre, ne s’attend pas au changement de climat qui arrive.

Le nouveau délégué entend diriger seul. Plus exactement, il souhaite qu’il n’y ait pas de passerelle entre les salariés de l’association et le président. L’information interne doit passer par lui et lui seul. C’est au point que le président n’a jamais l’occasion de s’exprimer à titre officiel devant le personnel. Le verrouillage est complet.

Les choses auraient pu se vivre ainsi s’il n’y avait pas eu un dossier de rapprochement avec la fédération du Pas-de-Calais. Officiellement, il était question de mutualiser les moyens des deux associations. Personne n’y trouvait à redire. Mais les opinions vont changer lorsque l’on assiste à un jeu de chaises musicales. Le délégué du Nord annonce sa démission pour fin janvier de cette année tandis que son homologue du Pas-de-Calais, Christian Bauvais, vient assurer l’intérim. Le président Delcambre est chargé d’annoncer le départ de son permanent auprès du personnel.

« Je me suis bien acquitté de cette tâche, explique Jean-Pierre Delcambre. Mais la nouvelle de la mutualisation avait tendu le climat. Les salariés ont posé de nombreuses questions auxquelles j’ai répondu  ». Le délégué sortant y voit un crime de lèse majesté. Il envoie un mail vengeur auprès des membres du bureau pour mettre en cause la loyauté du président. Ce dernier remet sa démission. Aussitôt, une majorité du personnel se met en grève pendant sept jours.

« C’est que, souligne Antoine Alexandre, à l’époque salarié de la structure nordiste, l’association (quinze à vingt salariés NDLR) vivait déjà un taux de rotation important ». Cela ne va pas s’arranger. Les contrats d’avenir ne sont pas renouvelés alors que la structure pense à des contrats de droit commun. Le 28 janvier, le Conseil d’administration élit un nouveau président, mais le rapprochement avec le Pas-de-Calais n’est pas évoqué.

« En fait, dénonce Antoine Alexandre, les deux associations ont l’intention de fusionner ». On n’est plus dans une mutualisation mais dans une fusion avec menaces sur l’emploi. Pourquoi ? Semble-t-il, l’association du Pas-de-Calais ne va pas si bien qu’il y paraît. Elle a recours à l’emprunt. Ce n’est pas le cas de sa sœur nordiste. Pour les salariés, il semble bien que l’opération de fusion cache un montage destiné à sauver la structure du Pas-de-Calais. «  On nous vampirise et on met nos activités en péril », accuse un nordiste.

Au moment où le délégué du Nord annonce son départ et signe un accord transactionnel, il a déjà un poste de direction dans une structure associative de Dunkerque. Et son collègue du Pas-de-Calais est assuré de lui succéder à Lille. Cela ne s’arrête pas là. Les nordistes sont bien décidés à reprendre leur destin en main. Ils sont nombreux à se présenter à un poste d’administrateur pour l’assemblée générale prévue le 27 avril. Sur 9 candidatures, 8 sont rejetées sur les conseils du délégué. Du jamais vu. Les personnes concernées ont déposé un recours devant la commission d’administration générale (CAG), l’organe de vérification du processus électoral compétent pour la ligue. L’audition a eu lieu ce jeudi 25 avril.

Affaire à suivre, d’autant que de l’argent public est en jeu (25 millions d’euros au niveau national dont 250 000 pour les actions de la fédération du Nord).« A la double crise sociale et statutaire s’ajoute une crise démocratique », dit Antoine Alexandre.

Mouvement laïque

La Ligue de l’Enseignement est un mouvement laïque d’éducation populaire qui propose des activités éducatives (accompagnement des enseignants, familles, formateurs, animateurs, élus et agents des collectivités locales), culturelles, sportives et de loisirs. Elle regroupe, à travers 103 fédérations départementales, près de 30 000 associations locales présentes dans 24 000 communes et représentant 1,6 million d’adhérents. Elle compte 500.000 bénévoles et 18.000 volontaires en service civique.