Sogem Industrie

Le méchant cadeau de fin d’année à Flines-lez-Râches

par Philippe Allienne
Publié le 19 janvier 2021 à 11:13

Liquidée en un temps record, l’entreprise spécialisée en tuyauterie et chaudronnerie industrielle (Flines-les-Râches) laisse 17 salariés sur le carreau, sans compter les emplois induits. Les salariés font appel.

Un hangar, des petits bureaux sur le territoire d’une commune du Douaisis de 5500 habitants. Avec ses 17 salariés, l’usine Sogem Industrie passerait presque inaperçue. Mais derrière les murs, l’entreprise travaille (ou plutôt travaillait) pour des clients bien connus comme Engie, Air Liquide (et ses unités de Waziers, Douai et Denain), Nyrstar (Auby). Elle produisait des compresseurs, des stations à hydrogène, des vannes... bref, du matériel de haute qualité.

Arrêt brutal

Mais brutalement, en cette fin d’année 2020, tout s’arrête. Fraîchement élu représentant du personnel, délégué syndical CGT de l’entreprise, David Meuniez n’en revient toujours pas. Le mardi 22 décembre, le Tribunal de commerce de Douai, saisi quelques jours plus tôt par la direction, s’apprête à prononcer la liquidation judiciaire de la société. De fait le tribunal opte pour cette solution. « Le dossier a été déposé le vendredi 18. Nous avons été convoqués le mardi suivant à 8h ». En fin de matinée, la liquidation était prononcée avec effet le 30 décembre. Ainsi, trois jours avant Noël, David Meuniez apprend que tous les salariés seront licenciés pour la fin de l’année. Il n’y a pas de solution de reclassement au sein du groupe. Pascal Cochez, le gérant du groupe auquel appartient Sogem Industrie explique pour sa part que Sogem Industrie n’a pas pu faire face à la crise sanitaire. Pour lui, les commandes étaient insuffisantes depuis septembre. A compter de novembre 2020, une partie des salariés de l’entreprise de Flines-les-Râches étaient en chômage partiel dans le cadre des dispositions gouvernementales face à la pandémie. Le groupe aurait finalement choisi de couper la branche afin de ne pas mettre en danger les autres filiales du groupe. Figure syndicaliste (CGT) du Douaisis, Dominique Ben a du mal à comprendre. Le groupe Cochez, dont le siège est à Valenciennes, c’est une quinzaine d’entreprises réparties en trois pôles dirigés par Pascal Cochez : un pôle Transport, manutention et construction (cinq entités pour un effectif total de 68 personnes), un pôle Dentelle (Calais) depuis la reprise des entreprises calaisiennes Calais Dentelles, Deseilles et Noyon, ainsi que les caudrésiennes Darquer et Darquer & Méry. Ce pôle emploie 110 salariés. Enfin, le pôle Equipements & services industriels (52 personnes) était celui auquel était rattachée Sogem Industrie. Pascal Cochez l’avait rachetée cinq ans plus tôt, en 2015 alors qu’elle était en difficulté et risquait déjà une liquidation judiciaire. Mais cette fois, les choses semblent aller trop vite.

Transfert d’activité

En étudiant la structure du groupe Cochez Investissement, Dominique Ben constate que la composition du pôle Equipements & services industriels a déjà été modifiée. Sogem Industrie a disparu tandis qu’une autre entreprise, Temi, un ensemblier industriel à Valenciennes, est devenu... Temi Sogem. « Sogem Industrie, explique Dominique Ben, c’est de la chaudronnerie mais aussi, pour 80% du chiffre d’affaires, de la tuyauterie de haute qualité. Dans sa présentation de la situation aux salariés, Pascal Cochez a dit être obligé de se séparer de l’unité de production de tuyauterie. Il ne dit pas alors qu’il la transfère à Temi. » En fait, pour le syndicaliste, Sogem avait un contrat avec Air Liquide qui courrait jusqu’au 31 décembre. Pour ne pas le perdre, Pascal Cochez aurait gardé l’identité Sogem, accolée à Temi, en l’intégrant à cette dernière, mais sans reprendre les salariés. Dans l’appel du jugement de liquidation judiciaire qu’ils veulent interjeter, les salariés font valoir ce transfert et veulent prouver que leur site était viable. Le tribunal de commerce a d’ailleurs demandé au liquidateur de vérifier ces informations. Mais les salariés font encore valoir un autre argument. Selon la CGT, le sucrier Terreos était prêt à passer une commande à Sogem Industrie pour un montant de 600 000 euros. « Cela aurait sauvé l’entreprise », estime Dominique Ben. La dette se monterait en effet à la moitié de cette somme, soit 300 000 euros. Mais avant de confirmer sa commande, Terreos avait demandé une garantie de 120 000 euros en cas de non-livraison. Face au refus du gérant de Cochez, il a proposé de diviser sa commande en trois lots de 200 000 euros chacun, avec une demande de caution bancaire de 40 000 euros. Nouveau refus de Sogem Industrie. Pour les syndicalistes, « cela montre la volonté de Cochez de ne pas sauver l’entreprise ». Ils soulignent aussi que, dans le pôle Transport du groupe, la société Sitca Levage (Valenciennes) vient d’annoncer, début décembre, l’acquisition de son confrère Transmalev, à Saint Hilaire-Cottes, dans le Pas-de-Calais. Un jeu de Monopoli que les salariés peinent à accepter.

(Photo : Annie Goupil, maire de Flines-les-Râches, et Alain Bruneel, député du Nord (à droite de la photo) ont rencontré les salariés à l’issue du assemblée générale. DR)