Alain Étienne
Saint-Pol-sur-Ternoise

Les aides à domicile ont gagné !

par Etienne Alain
Publié le 26 mars 2021 à 11:43

Obligées d’aller aux prud’hommes pour faire respecter leurs droits, deux salariées de l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) viennent de créer un précédent.

L’ADMR est un réseau associatif de services à la personne. Fondé en 1945, il intervient en France de la naissance à la fin de vie, dans quatre domaines : autonomie, services de confort à domicile, famille et santé. Il est constitué de 2 700 associations locales autonomes dans lesquelles se côtoient bénévoles et salariés. Celle de Saint-Pol-sur-Ternoise, dans le Pas-de-Calais, couvre plus de 200 communes du sud-ouest du département pour un peu plus d’une centaine d’employées. C’est un secteur très étendu, extrêmement rural, réputé pour être « le jardin du Nord-Pas-de-Calais » avec ses petites routes enclavées et ses vallées. Autant dire qu’y travailler prend du temps et que les aides à domicile, tous emplois confondus, n’ont rien à envier aux chauffeurs routiers question kilomètres parcourus.

Des indemnités rectifiées à la baisse

C’est justement sur les remboursements kilométriques que deux employées de l’ADMR de Saint-Pol-sur-Ternoise viennent de gagner le procès aux prud’hommes qu’elles ont engagé contre leur employeur. Condamnée une première fois en 2013, l’association ADMR de Saint-Pol avait été condamnée à verser à l’une de ses salariées le rappel de cinq ans de ses indemnités kilométriques et temps de déplacement. Depuis, l’association a institué un nouveau protocole de contrôle en utilisant les relevés des téléphones professionnels qui enregistrent en temps réel les interventions, kilomètres et temps de déplacement. Tout devrait donc être bordé. Sauf que, relève une des deux déléguées CGT qui a porté l’affaire devant les prud’hommes, « nous nous sommes rendu compte que les données des téléphones étaient ensuite rectifiées, voire supprimées. » Ce qui a provoqué un manque de quelque 200 euros pour Myriam Noé sur seize mois et de près de 1 200 euros sur vingt-huit mois pour Isabelle Leclercq, « presque un mois de salaire ! ».

Une victoire pour faire respecter les droits de toutes !

La direction a nié procéder à de telles modifications. Mais les faits sont têtus. Il suffit de lire les relevés de contrôle qu’elle valide pour constater que « parfois, pour un même trajet, on avait des kilométrages différents et qu’ils étaient toujours rectifiés à la baisse ». Et de produire les documents qui le démontrent. Difficile pour la direction dans ces conditions de maintenir qu’elle contrôle uniquement « pour éviter les abus ». Les prud’hommes ont donc condamné la direction à verser 1 135,96 € à l’une et 166,94 € à l’autre des deux salariées ce qu’elle leur devait en indemnités kilométriques et temps de déplacement. Des sommes relativement modestes au regard d’autres affaires, mais les deux salariées - syndicalistes CGT - ne demandaient que ce que l’ADMR leur devait. Pour elles, c’est une grande victoire car elle peut servir de déclencheur chez la centaine d’autres salariées de l’association. L’affaire n’est donc pas terminée si chacune de leurs collègues vérifie mensuellement le relevé validé par la direction et le compare aux données de leur téléphone professionnel. Il faut espérer que la direction de l’ADMR, qui est après tout une association - avec toutes les valeurs qu’elle est censée porter -, mais condamnée à trois reprises pour les mêmes faits depuis 2013, en tienne compte. Les « aides à domicile », comme on qualifie cette profession composée de divers métiers, sont déjà méprisées par le gouvernement qui a rechigné des mois durant à les inscrire parmi les professions de « première ligne » pouvant bénéficier d’une « prime Covid ». Elles se passeraient bien de se battre pour obtenir le respect de leurs droits. Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste, qui soutient déjà la lutte des aides du groupe Filieris (établissements et centres de santé, Ehpad, aides et soins infirmiers...), a salué cette victoire qui doit servir d’exemple à toute une profession sous-payée, sous-estimée et qui vient en aide aux personnes les plus fragiles de la société.