Reconfinement

Les libraires entre incompréhension et agacement

par Ousmane Mbaye
Publié le 13 novembre 2020 à 12:49

Comme lors du premier confinement, les librairies ne peuvent plus recevoir la clientèle en boutique. Une situation que vit très mal l’ensemble de la profession. La déconsidération du livre comme « produit essentiel » étonne. D’autant que les pertes de chiffre d’affaires à l’approche des fêtes de fin d’année risquent d’être importantes.

Quand je vois le grand n’importe quoi des magasins, avec plus de 300 personnes qui font leurs courses, je trouve qu’il y a une certaine hypocrisie » à la position du gouvernement vis-à-vis des librairies s’indigne Damien Rameaux, gérant de la librairie indépendante Astro City spécialisée en comics à Lille. Pour lui, les libraires « qui ont été les bons élèves du déconfinement en ne faisant pas n’importe quoi » sont « injustement sanctionnés ». Partagé entre impératifs économiques et lutte nécessaire contre la Covid-19, Damien Rameaux penche tout de même pour une réouverture. Quitte à avoir les mêmes contraintes que lors du déconfinement, c’est- à-dire recevoir des clients en nombre limité et mettre à leur disposition du gel hydro- alcoolique. De son côté, Stéphane Hun, co-gérant de la librairie indépendante Pages d’encre à Amiens, ne cache pas les difficultés, même avec la possibilité de vente à distance.« On est à l’arrêt total, on vit avec le “click and collect” [1]. On ne peut plus conseiller les clients en direct, on expédie directement les livres. Ça nous dépanne mais mais c’est pas assez pour vivre » regrette-t-il.Même constat dans les grandes enseignes. Le directeur du Furet du Nord, Pierre Coursières, ne cache pas son amertume : « On vit très mal cette fermeture, parce qu’elle arrive à un moment très important de l’année pour notre chiffre d’affaires. » Le directeur du Furet du Nord, s’étonne notamment de la non prise en compte du livre comme produit essentiel. « Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas considérer le livre comme produit essentiel car il permet de s’évader, sortir des écrans et comprendre le monde. »

La vente à distance ne suffit pas à compenser les pertes

Ainsi, comme lors du premier confinement, des grandes chaînes de librairies aux indépendants, tous doivent passer par la vente à distance pour poursuivre leur activité. « Aujourd’hui on est dans des logiques de “click and collect” et le chiffre d’affaires est très bas pour nous et les libraires indépendants » concède Pierre Coursières. Il s’élève seulement à 10 % du chiffre d’affaires habituel selon lui. Idem pour le gérant de Pages d’encre. Même constat pour Damien Rameaux dont la librairie accuse une perte sèche de 65 % par rapport à l’an dernier à la même période. Cette baisse s’explique en partie par l’annulation des événements tels que la sortie des prix littéraires et des salons du livre. Stéphane Hun explique ainsi que l’annulation de deux salons du livre en novembre lui a fait perdre entre 20 000 et 30 000 euros qui ne pourront pas être compensés. Pour tenter de sauver les meubles, les librairies s’attachent donc à garder le lien avec la clientèle. « On communique énormément, il faut préserver le lien. On contacte les clients via les réseaux sociaux : Facebook, Instagram, Reddit... » détaille Damien Rameaux. Le libraire se réjouit de pouvoir compter sur une « clientèle fidèle et passionnée ». Pour le gérant lillois, il est important d’être dans une réponse immédiate et chaleureuse comme si l’on avait le client en face de soi. « On garde espoir, ça va redémarrer quand on sera déconfinés. Il faut tenir le choc » conclut Stéphane Hun.

Notes :

[1Retrait en magasin après une commande en ligne.