Droits réservés
3 questions à...

Nathalie Gente, assistante familiale dans le Nord

par Reyhan Unlu
Publié le 21 mai 2021 à 13:32

Alors que les assistants familiaux se mobilisaient pour réclamer de meilleures conditions de travail et de salaire ce jeudi 20 mai, nous avons demandé à l’une d’entre elles de nous raconter son quotidien et ce qui faisait la difficulté de ce métier.

  • Quel est le quotidien d’un assistant familial ? Qu’est-ce qui a changé avec la crise de la Covid ? Une journée type c’est se réveiller tôt pour le petit déjeuner et boire un cafe avant la ruée. Les enfants se lèvent, il faut que ça aille vite avec la salle de bain,j’ai cinq enfants à la maison. On dépose les enfants à l’école. Il y a les visites avec les parents aussi, le lundi matin j’emmène la petite voir ses parents et j’attends une heure dehors, dans la voiture, puis je la conduis a l’école à son tour. Le midi, tout le monde reste à la cantine, j’en profite pour faire le ménage, la lessive et à 15 heures il faut de nouveau être sur la route pour les récupérer à l’école. On est taxi à longueur de journée mais vu que l’on ne va pas à plus de trois kilomètres, on n’est pas remboursé. Le soir, il y a le dîner, mais il faut aussi s’occuper des devoirs entre les douches. Il est vite tard, c’est l’heure du coucher, en décalé suivant l’âge. Il y a des moments où on se demande quand est-ce qu’on peut se poser. Avec la Covid, on a pu accorder plus de temps aux devoirs puisqu’on n’avait pas à courir de droite à gauche, c’était le point positif. Le négatif, c’était de ne plus avoir de contact avec les parents, plus de visites.
  • Pourquoi le métier d’assistant familial demeure précaire ? Dans le Nord, pour un enfant, on a environ 700 euros, ça ne fait même pas un Smic et on a clairement besoin d’un Smic par enfant au moins. Aujourd’hui, si on est malade, à la fin du mois on a pas un rond... J’étais personnellement absente pendant trois semaines je ne me suis retrouvée qu’avec 300 euros à la fin du mois. Avec environ 12 euros par enfant par jour, c’est compliqué, entre le déjeuner, la cantine, les goûters... Les poux, les couches... c’est à notre charge. Ils mettent tout dans cette petite somme mais on ne s’en sort plus. Personnellement, entre mes enfants et ceux que j’accueille, je n’ai même plus les moyens de faire des sorties. On peut nous retirer notre agrément du jour au lendemain. Parfois, les parents ne sont pas contents parce que les enfants sont placés donc ils nous accusent sans fondement et du jour au lendemain on peut alors nous enlever les enfants sur de fausses accusations.
  • Qu’est-ce qui fait la difficulté de votre métier aujourd’hui ? Les enfants sont avec nous 24 heures sur 24, les référents nous appellent parfois la veille de l’audition pour savoir si ça se passe bien, le poids de l’enfant, si ça va à l’école... On ne peut pas non plus leur procurer d’affection car ça rend jaloux les parents. Dire « je t’aime » à un enfant qu’on a depuis tout petit, c’est presque interdit. On a besoin de souffler mais on ne peut pas le faire, on ne peut pas prendre du temps pour notre propre famille. Mes enfants m’en veulent parfois de ne pas pouvoir leur accorder de moments entre nous, de sorties, de vacances. Il y a aussi ce gros souci du salaire, le frigo se vide plus vite, il y a toujours des achats à prévoir. Ils ne se rendent pas compte des moyens dont on a besoin.