Télétravail ou travail à la maison ?

Pour une qualité de vie et une amélioration des conditions de travail

Publié le 12 février 2021 à 12:47

Bien décidé à préserver l’économie, le gouvernement est parvenu jusqu’ici à repousser l’éventualité d’un troisième confinement. Le couvre-feu à 18 h reste de rigueur. Et le Premier ministre a annoncé, vendredi 29 janvier, son intention de renforcer le télétravail. Facile à dire...

Limiter les interactions sociales pour les personnes qui empruntent les transports publics et ralentir la circulation du virus alors que l’on sait que les variants sont devant nous. C’est la raison qu’a donnée Jean Castex pour renforcer le recours au télé-travail. La ministre du Travail, Élisabeth Borne, que l’on sait très zélée sur la question, a profité de sa venue à Béthune, le 2 février suivant dans le cadre du dossier Bridgestone, pour en rajouter quelques louches, parler sanctions et mobilisation de l’inspection du travail pour faire respecter cette mesure. Du reste, le renforcement des interventions de l’inspection du travail avait été annoncé la veille, lors d’une réunion de concertation - en visioconférence - entre elle et les « partenaires » sociaux.

Se voir et échanger

Autrement dit, le gouvernement entend imposer le télétravail, sous peine de sanctions, et désigne les mauvais pratiquants, à commencer par les banques, les assurances et les agences immobilières. Ce faisant, il n’explique pas vraiment comment acheter un bien immobilier - ou plus simplement - louer un logement sans le visiter autrement que par une approche virtuelle. Mais lorsqu’un journal économique, Les Échos, titre sur le fait que les employeurs sont « appelés à mieux faire respecter le télétravail  », on pourrait s’attendre à autre chose qu’à une injonction du gouvernement sur l’obligation ou, au moins, la forte incitation à renvoyer le personnel à son domicile pour travailler. Mais, sur le plan du droit du travail, on parle moins des devoirs de l’employeur.

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Il est vrai que nombre d’employeurs sont les premiers à se montrer réticents. Chez les salariés, les opinions divergent. Il y a celles et ceux qui dépriment, se sentent sous pression et travaillent bien davantage en télétravail qu’en entreprise. Et il y a celles et ceux qui préfèrent cette forme d’organisation et redoutent de devoir retrouver un jour les collègues et l’environnement de travail. Ilham Kadri, que l’on ne saurait soupçonner d’être de mèche avec la CGT (elle est directrice générale de Solvay Belgique, un groupe chimiste), il convient d’abord de considérer les choses avec le recul nécessaire : « L’être humain, dit-elle, est un animal social. On a besoin de se voir et d’échanger. Sans le télétravail, nos sociétés n’auraient sans doute pas pu traverser aussi bien cette crise. Malgré tout, le monde de demain ne peut pas être qu’un monde de télétravail. »

Motivation et lien social

En France, de manière générale, les télétravailleurs représentent 15 % des salariés, un chiffre qui demeure modeste même si la crise sanitaire a boosté cette forme d’organisation lors du printemps 2020. Le Medef s’en méfie beaucoup. La question du management à distance se pose aux cadres, la motivation et la préservation du lien social doivent aussi trouver des solutions. Il est clair que les structures qui fonctionnent de manière très verticale, avec une hiérarchie forte, ont beaucoup plus de mal s’adapter. Mais qu’en est-il du côté des salariés ? En décembre dernier, avant de changer d’avis en janvier, la CGT avait pris la décision de ne pas signer l’accord télétravail concocté par le Medef. Pour l’organisation syndicale, « un accord national interprofessionnel doit imposer des règles strictes, applicables dans toutes les entreprises. » Or, avait-elle expliqué, le texte ne permettait « nullement de répondre aux enjeux que pose le télétravail et que la crise sanitaire a mis en lumière ». Elle prenait pour exemple les risques sur la santé avec l’augmentation des risques psycho-sociaux établis par plusieurs enquêtes dont celle de Malakoff Médéric. Celle-ci révèle une hausse significative de l’absentéisme pour maladie dans laquelle le télétravail tient une part importante. « C’est la conséquence directe du télétravail en mode dégradé » commente la CGT. Le syndicat mettait aussi en avant le droit effectif à la déconnexion où les pratiques de télétravail sont insuffisamment encadrées et ne le seront pas davantage. Selon l’étude du cabinet « Empreinte humaine », 75 % des salarié·es considèrent que les accords en entreprise ne protègent pas des durées excessives de travail et ne garantissent pas le droit à la déconnexion. Résultat confirmé par le baromètre annuel de l’Ugict CGT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens) qui indique également que le droit à la déconnexion est, aujourd’hui, plébiscité par les cadres qui sont 69 % à souhaiter en disposer, soit une augmentation de 9 points par rapport à 2019.

Équipements personnels

Troisième point : l’utilisation des équipements personnels. « Faire de l’équipement personnel du ou de la salarié·e la norme, c’est à la fois rendre possible des atteintes à la vie privée et s’exposer à des attaques en matière de cybersécurité pour les salarié·es, l’entreprise et ses clients.  » Et puis, l’accord national interprofessionnel « poursuit la dérive constatée en matière de droit du travail et d’employabilité ; à savoir le glissement constant de la responsabilité de l’employeur sur celle du ou de la salarié·e. Que ce soit en matière d’assurance-chômage, de formation professionnelle, de santé et autres, cela devient la règle et les attendus du patronat ».

Pour ne pas tomber dans les pièges du télétravail

En signant l’accord interprofessionnel en janvier dernier, la CGT et son Ugict (Union générale des ingénieurs cadres et techniciens) ont mis en place un collectif de suivi et d’aide à la négociation pour les syndicats. Elle pose un certain nombre de repères pour la négociation : > Fourniture par l’employeur de tout matériel nécessaire au télétravail. > L’encadrement et le suivi du travail du télétravailleur pour ne pas subir un débordement des jours et heures de travail et une intrusion dans la vie privée. > La possibilité de maintenir les liens sociaux (mise à disposition de lieux pour contacts et échanges sur place) et utilisation des nouvelles technologies pour être en contact avec les organisations syndicales. > L’obligation d’un retour au même poste de qualification dans l’entreprise sur demande du télétravailleur. > La possibilité d’apprécier la qualité de la vie au travail des télétravailleurs afin de mettre en œuvre notamment les accords sur le stress.