© Marc De Langie
Méthanisation

Quand l’agriculture devient productrice d’énergie verte

par Marc DE LANGIE
Publié le 28 mai 2021 à 12:05

La méthanisation se développe dans la région. Des agriculteurs d’Haveluy se sont lancés dans cette aventure de production de biométhane.

« Nous nous sommes accordé une année de réflexion, au cours de laquelle nous avons visité de nombreux sites de production dans l’Orne, les Vosges, les Ardennes, sans oublier les salons spécialisés pour bien comprendre les concepts de méthanisation » explique Antoine Callens, exploitant agricole à Haveluy. La majorité des unités de méthanisation visitées développaient un procédé à partir de fumier. Or, sur l’exploitation en SCEA d’Antoine, Nicolas et Maxime Callens, il n’y avait plus d’animaux depuis déjà plusieurs années. Fort de ce constat, c’est vers un procédé de dégradation de la matière organique à partir de cultures que les trois frères se sont tournés. Produire du gaz à partir de céréales, qui sera ensuite injecté dans le réseau, est la solution retenue.

Un investissement de 4 M€

Il faut dire que depuis plusieurs années, ces agriculteurs se sont engagés dans une démarche d’agriculture « plus verte ». Sensibilisés à la réduction des produits phytosanitaires, ils les ont remplacés par des extraits fermentés de plantes. De même, terminé les labours, ce qui a permis de redonner vie à la terre, de limiter l’érosion et surtout d’accroître la biodiversité. La production de biométhane s’insère bien dans leur démarche. Fin 2018, le projet se monte : s’enchaînent les études économiques, la conception du projet, la paperasse, les différentes autorisations, le permis de construite, les déclarations d’installation, le plan d’épandage... « Dès le départ et tout au long de ces étapes, nous avons été très suivis. D’une part par GRDF, un acteur moteur essentiel pour nous permettre de déterminer la quantité de gaz à injecter dans le réseau. D’autre part, le pôle méthanisation de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France nous a fourni un appui technique pour mettre en place ce type de projet. Il fallait bien s’assurer que le projet soit réalisable et viable » explique Antoine Callens. Cela représente un investissement de quatre millions d’euros avec, à la clé, un contrat de quinze ans avec GRDF, à prix garanti.

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Les travaux débutent fin août 2020, et en avril 2021, les premiers 125 m3/heure de gaz sont injectés dans la canalisation de gaz Denain-Douchy-Lourches-Mastaing, à la grande satisfaction de ces agriculteurs. Leur contribution dans le réseau de gaz correspond à 12 millions de kilowatts par heure par an, soit l’équivalent en consommation (chauffage, eau chaude et cuisson) de mille foyers.

Inquiétude pour l’ouverture à la concurrence

L’opération s’avère très positive, avec une rentabilité complète dans neuf ans. Côté organisation du travail, c’est une redistribution qui s’opère. Outre les trois frères, la SCEA emploie quatre salariés. La mise en opération de l’unité représente l’équivalent d’un salarié à temps plein. À cela s’ajoutent les autres travaux de l’exploitation, dont la production et la commercialisation de semences de pommes de terre. Le rythme est pris et l’exploitation tourne avec cette nouvelle unité. Toutefois une inquiétude plane : que se passera-t-il lorsque le contrat arrivera à terme ? « Nous savons que le marché sera libre, ouvert à la concurrence avec plusieurs intervenants » et Antoine Callens de s’interroger « sur l’opérateur qui acceptera un nouveau contrat, compte tenu de notre production et du prix. Il serait tout de même dommage que cet outil devienne inopérant ». Il se veut cependant optimiste « car la demande pour une énergie verte, propre, produite à proximité et répondant aux exigences des consommateurs sera toujours d’actualité. De plus, cela s’inscrit très bien dans la transition vers les énergies renouvelables ». À l’horizon 2050, Engie s’engage à ce que le gaz fossile soit remplacé par du biométhane, issu de la méthanisation de déchets. Dans ce contexte, l’agriculture pourra occuper une place de choix. Après avoir nourri la France avec ses céréales, elle pourrait contribuer à assurer son indépendance énergétique.