ÉNERGIE

Sans chauffage et sans eau chaude

par MARC DUBOIS
Publié le 3 janvier 2019 à 12:24 Mise à jour le 10 janvier 2019

Peut-on rester trois jours sans gaz et donc sans chauffage ni eau chaude en plein hiver « à l’insu de son plein gré » ? La réponse est oui. Le service public beugue et le gaz part.

Ce lundi 17 décembre, le petit déj’ avalé, la vaisselle lavée (à l’eau chaude) et les étirements effectués, voilà t’y pas que la douche reste désespérément froide. La chaudière s’est mise en sécurité. Elle affiche un code qui ne figure pas sur le livret d’entretien et refuse de redémarrer. La réponse est sur le palier où le compteur de gaz est orné d’une étiquette signée GRDF (Gaz réseau distribution de France) affichant la coupure pour cause de « mutation clientèle… demande du client ».

Panade informatique

En 2006, avant la fusion GDF Suez, une manif pour réclamer le retour au service public de l’énergie, déjà. (Photo archives Liberté)

Pas de préavis, personne n’a sonné à ma porte… Je n’ai rien demandé mais je fais aussitôt le rapprochement avec une anomalie découverte un mois plus tôt en faisant mes comptes. En dépit des 1,7 % de la CSG je ne terminais pas mes mois à zéro… comme c’était généralement le cas auparavant. En y regardant de plus près, il s’avérait que Gaz tarif réglementé (Engie), n’effectuait aucun prélèvement mensuel comme prévu dans le contrat effectif depuis le 12 février.

Je ne suis pas prélevé mensuellement mais j’ai toujours du gaz. En accédant au site du fournisseur avec mon code client je découvre n’avoir… « pas de contrat souscrit ». Devenu client invisible, je me vois déjà faire face à un fournisseur qui, découvrant la situation, effectuerait un prélèvement brutal et global me mettant à découvert. Citoyen honnête mais prudent, je recontacte donc Gaz tarif réglementé via la CNL (Confédération nationale du logement) afin d’éclaircir et régulariser la situation. Sans autre réponse depuis que cette coupure demandée à GRDF le 13 décembre sous un motif fallacieux puisqu’il n’y a pas eu de demande de mutation. Il me faudra attendre trois jours pour avoir du gaz. Trois jours après avoir réinitialisé mon contrat, passé des heures au téléphone (appels payants) avec Gaz tarif réglementé (surtout) et GRDF, expliquant ma situation à chaque fois. L’un comme l’autre, en pleine panade informatique semble-t-il, incapables de communiquer entre eux et de commander la réouverture du compteur.

Edité par la CGT Mines-Energie ce journal explique le démantèlement du service public, les enjeux de la privatisation...

Comment et pourquoi en suis-je arrivé là ? L’histoire remonte à janvier 2018 quand, ayant commis l’« erreur » de modifier mon contrat puis me rétracter, Engie n’a pas tenu compte de cette rétractation et fait annuler mes contrats avec Gaz tarif réglementé (groupe Engie également) et EDF. Pratique courante, m’a-t-on confirmé à l’heure où les démarcheurs des fournisseurs d’énergie défilent voire tentent de forcer nos portes. Je passe les incompréhensions, les « faites le 1, le 2, etc. », les coupures inopinées de téléphone pour cause de batteries à plat, les courriels, les adresses aux médiateurs (lire ci-dessous), échanges aveugles, révélateurs du désordre engendré par la concurrence, l’éclatement du service public, la « dématérialisation » et la déshumanisation des services. Pendant 48 heures au moins, le fournisseur comme l’opérateur auraient été dans l’incapacité de communiquer entre eux pour cause de bug informatique.

Grosse dépense… d’énergie

Finalement, un agent de GRDF réactive mon compteur le 19 décembre, en principe aux frais de Gaz tarif réglementé qui aurait reconnu une erreur. GRDF a promis une petite indemnisation, s’excusant de n’avoir pu intervenir « en urgence » pour cause de « bugs informatiques ». Durant ces trois jours j’ai eu l’impression de vivre hors du temps. Grosse dépense… d’énergie, stress et froid, c’est fatiguant. J’ai pu obtenir gain de cause finalement. Comme retraité, je dispose de temps et de moyens pour ça. Pas un drame donc. Mais j’imagine ce que vivent ceux qui, sans défense, victimes d’« erreurs » ou de « bugs informatiques » (sic), sont privés d’énergie en plein hiver. Quand ils ne sont pas carrément déjà dans la précarité énergétique.

Le tout internet et ses embûches
Sollicité en mars 2018, le Défenseur des droits écrivait partager mes « interrogations sur le "tout internet et ses embûches" illustré récemment par les difficultés engendrées par la dématérialisation des cartes grises et permis de conduire. Il faut paradoxalement que le citoyen redouble de vigilance avec un outil censé lui simplifier sinon la vie du moins certaines démarches. Bon courage à l’usager vigilant que vous êtes et merci de ce témoignage ». Ce 21 décembre, il souligne que mon « témoignage est précieux (comme tant d’autres hélas !) sur les procédures inutilement complexes et l’absence d’écoute et de bon sens ».