Discussion surréaliste entre les personnels soignants et un cadre supérieur du C.H. Calais (ph. Liberté Hebdo)
Grève des Urgences au C.H. Calais

Une désorganisation qui nuit aux malades et aux personnels de santé

par Etienne Alain
Publié le 16 décembre 2022 à 12:05

Discussion surréaliste mardi à l’entrée des urgences du Centre Hospitalier Dr Techer de Calais. Deux mondes face à face...

D’ un côté une vingtaine des membres du personnel de santé des urgences de l’hôpital, en grève pour que soient juste respectées les règles de fonctionnement normal d’un service d’urgence. « On demande juste que le fonctionnement des Urgences soit normal pour la sécurité des usagers, pour le droit à la santé des patients » explique Séverine Delattre, secrétaire du syndicat CGT.De l’autre un Martien, ou quasi... Un cadre supérieur qui explique qu’il comprend « d’ailleurs je suis le premier à le dire...  », mais que « ça ne va pas si mal que ça...  ». Un responsable hors-sol. Type Marie-Antoinette qui conseillait à la foule affamée « ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! ».

La direction joue l’inertie

Ça ne va pas si mal que ça... Une dame répond. « Vous avez raison, je suis partie en septembre et j’ai été remplacée... juste maintenant  ».Trois mois et demi avant d’être remplacée ! Plus de 100 jours avec une personne non remplacée et « ça ne va pas si mal que ça !  ». Et de prendre l’exemple d’un autre agent qui va partir « et sera remplacé  ». « Quand ? » demande la dame. Pas de réponse...Lundi il manquait déjà 5 agents hospitaliers à la reprise de la semaine. Sans doute en attente de remplacements immédiats pour plus tard.« C’est le type de monologue qu’on subit en permanence » explique, navrée la secrétaire de la CGT ; « la direction écoute mais n’entend rien. Elle compte sur sa force d’inertie pour que le mouvement s’use. En attendant elle est responsable de la dégradation des conditions de travail et des soins du personnel et des patients ». Un agent du Smur surgit qui explique rapidement qu’un jour il arrivera une catastrophe... Le cadre supérieur poursuit sa litanie ; ce mois-ci il aura mérité son salaire...À l’origine du conflit, emmené par la CGT et la CFDT, la réorganisation du service des Urgences intervenue le 3 avril. Depuis, les infirmiers et les aides-soignants travaillent sur des cycles de 12h au lieu de 7h30. Objectif : adapter les effectifs paramédicaux à l’affluence de patients dans le service des urgences. Léger problème de la méthode bureaucratique : «  depuis la mise en place de cette nouvelle organisation, nous sommes régulièrement en sous-effectif d’infirmiers ou d’aides-soignants. Ces 3 derniers mois, cette problématique est d’ailleurs devenue récurrente. Lors de cette période, nous avons travaillé 86 journées sur 91 avec au moins un agent de moins par jour (parfois plus)  », ont écrit les agents dans une lettre envoyée à la direction de l’hôpital.Pour pallier ces manques causés par sa politique, la direction rappelle des agents en repos... qui doivent alors récupérer, ce qui crée de nouvelles absences.C’est un peu comme ces financiers qui font de la «  cavalerie » avec l’argent. À force d’emprunter pour rembourser il n’y a plus d’argent. Ici il n’y a plus d’agents.Et comme ces agents sont en grève, la direction a bizarrement trouvé des finances pour qu’ils travaillent. Elle paie -très cher- des huissiers qui déposent des ordres de réquisition chez chaque gréviste. Bizarrement là elle trouve l’argent !

Des propositions de bon sens pas entendues

À cette mauvaise gestion organisée qui dégrade le service de santé s’ajoute l’augmentation du nombre d’entrées en ces temps d’épidémie. Elle a pour conséquence de faire exploser le temps d’attente du patient ; parfois plus de 45 minutes avant de voir l’infirmier d’accueil. «  Cette situation met en danger le patient  » alertent les grévistes.Ces derniers ont avancé plusieurs propositions pour résorber les manques et faire face aux besoins, comme la mise en place d’un infirmier organisateur d’accueil (IOA) chargé d’accueillir, d’évaluer rapidement le degré de gravité d’un patient grâce aux signes cliniques, aux paramètres vitaux, et à ses connaissances théoriques puis de l’orienter.Même chose pour le brancardier disponible, en théorie 5 jours sur 7. En réalité il partage son temps entre les urgences et un autre service et n’est pas systématiquement remplacé en cas d’absence. Il est nécessaire d’en avoir un 7 jours sur 7 pour recentrer les aides-soignants sur les soins.

Une désorganisation organisée

« Nous ne revendiquons donc même pas cette fois du personnel supplémentaire, qui est nécessaire. Juste le minimum de règles de fonctionnement. Et la direction nous balade. Elle attend que nous nous fatiguions devant son inertie, que l’année nouvelle arrive pour remettre les compteurs à zéro et que tout recommence  » explique Séverine Delattre.Une attitude qu’on retrouve dans un très grand nombre d’hôpitaux. Trop généralisée pour qu’elle relève d’une incompétence à gérer. C’est une politique délibérée de casse du service public de santé. Les personnels de santé de l’hôpital de Calais semblent en être persuadés qui ont voté à 65% pour la CGT aux élections professionnelles la semaine dernière, soit + 5% de progrès.Une réponse à laquelle ne devait pas s’attendre la direction.

En bref :

Arras : Samu en grève depuis une semaine. L’activité a progressé de 20% et des entretiens ont eu lieu pour embaucher 4 personnes. Mais c’est 20 emplois supplémentaires qui sont nécessaires.

Boulogne/Mer : la CGT fait plus de 75% aux élections professionnelles du Centre Hospitalier Duchenne.