Syndicalisme

Les plus petites collectivités sont les plus fragiles

par Franck Jakubek
Publié le 14 décembre 2018 à 16:37

Toute la Fonction publique a voté le 6 décembre. Nadège Poly, agent territorial au centre communal d’action sociale d’Avion, est secrétaire générale de l’Union locale CGT de Liévin et secrétaire générale adjointe de la coordination syndicale départementale (CSD) des services publics du Pas-de-Calais. Elle fait le point sur la situation actuelle.

Quel est le champ couvert par votre fédération ?
Nous représentons tous les services publics territoriaux, les salariés des mairies, des communautés, des agglomérations, les syndicats mixtes, du Conseil départemental, les pompiers, la thanatologie, l’eau, le logement, etc. Cadres, techniciens et agents, ce qui fait environ trente mille personnes. Nous avons plus de deux mille cinq cents syndiqués dans le Pas-de-Calais.

Avez-vous pu présenter des listes partout,dans tous les services ?
Nous n’avons pas réussi cette fois-ci. Les freins sont nombreux. Il faut d’abord être syndiqué puis accepter de prendre des responsabilités. Même si, par rapport à 2017, nous progressons en termes d’adhésion. Nous avions réalisé quatre-vingt-dix-neuf adhésions pour l’année. Aujourd’hui, nous en sommes à cent vingt, et l’année 2018 n’est pas encore finie.

Les départs en retraite ont-ils une influence sur la syndicalisation ?
Chez nous, huit adhérents sur dix restent adhérents lors de leur départ en retraite. Il y a un bon réflexe de continuité syndicale renforcé par un coup de pouce du syndicat. Nous offrons la première année de carte syndicale au jeune retraité au moment de la remise des médailles. Ce geste prend en compte l’impact financier de l’imposition de la première année de retraite basée sur le salaire d’actif.

Le nombre de votants a-t-il varié depuis les précédentes élections de 2014 ?
Il y avait moins d’inscrits au niveau départemental. Avec la réforme Sarkozy, un fonctionnaire sur trois n’est pas remplacé lorsqu’il part en retraite. La Loi NOTRe1 a un impact également avec les regroupements des communes. Les collectivités attendant de savoir à quelle sauce elles vont être mangées avant de penser aux embauches. Un exemple type est celui des archives pour des communes en attente de regroupement. S’il y a deux personnes et qu’une part en retraite, elle ne sera pas remplacée. Au départ de la seconde personne, c’est un contractuel qui va assurer la mission. II y a donc un frein à l’embauche et donc des effectifs en moins dans le département.

Nadège Poly.
© photo DR

Avez-vous une estimation ?
Depuis les précédentes élections, nous pouvons estimer que cela représente mille emplois non couverts. Moins de votants, et moins d’électeurs, mais surtout moins d’agents et moins de service public !

Quel est l’impact concret de ces non-remplacements après les départs en retraite ?
Le travail à faire existe toujours. Le service public doit vivre. Il y a donc des surcharges de travail pour le personnel et des difficultés pour répondre aux exigences de la population. Ce sont des heures supplémentaires,souvent non payées, qui engendrent du stress, des arrêts maladie.

Quels secteurs sont les plus touchés ?
Aucun n’est épargné mais les plus petites collectivités sont les plus fragiles. Le droit y est peu respecté, faute de moyens, d’informations, de connaissances. Il y a parfois de la malveillance de la part de certains cadres,mais la plupart du temps quand nous intervenons, les gens se montrent de bonne foi. Même si nous avons des situations parfois aberrantes. Les astreintes, pourtant encadrées par les textes, ne sont parfois ni payées, ni récupérées. A la limite du bénévolat quand les gens sont amenés à travailler la nuit, puis enchaînent leur poste la journée.

Rencontrez-vous des cas de discrimination ou de harcèlement syndical ?
Dans une commune, oui, le camarade n’est pas autorisé à participer aux réunions. Nous allons rencontrer le maire. Le temps syndical, c’est du temps de travail. Il y a aussi des collègues qui viennent aux réunions et sont ensuite forcés de rattraper leur travail. Pour les dames de service, qui commencent par-fois à 5 heures, elles viennent à la réunion dans la journée, et à 17 heures elles reprennent le travail. Il y a encore des choses à gagner, des curseurs à faire bouger. Le statut devrait être appliqué partout. Il arrive que d’autres syndicats fassent barrage via l’encadrement. Il est censé rester neutre mais certains profitent de leur pouvoir.

Avez-vous eu des difficultés particulières au cours de ces élections ?
En mairie de Lens, le tout nouveau syndicat,créé le 9 octobre, a rencontré quelques difficultés de l’administration et des syndicats déjà en place. Et également à Hénin-Beaumont, où un syndicat nous a mis des bâtons dans les roues, faisant inconsciemment le jeu de la municipalité. Je regrette le temps passé pour régler des problèmes à l’intérieur des instances au lieu d’utiliser ce précieux temps pour défendre les salariés et travailler à l’accroissement du rapport de forces.

Quels sont les points marquants pour vous dans ces élections ?
La CGT a progressé de 3 % dans les petites collectivités. Nous sommes néanmoins en retrait de 2 % par rapport aux élections précédentes. Nous progressons de 5 % au Conseil départemental. Dans la communauté d’agglomération Béthune-Bruay,Artois-Lys Romane, la CGT se renforce. Sur 573 votants, 323 ont donné leur voix à la CGT.

Quelle est la prochaine étape pour la CGT ?
D’abord réussir la journée d’action du 14 décembre. La première commission administrative paritaire se réunit ce mois-ci. Ensuite, pour chaque agent, chaque collectivité, le combat pour notre droit à la retraite sera la priorité dès janvier. Nous avons fait une belle campagne, très respectueuse des autres organisations, avec une forte mobilisation. La fédération des services publics reste la première organisation syndicale au niveau national avec 27,51 % des voix (hors DOM-TOM).

1. Loi NOTRe : loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République.

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par Franck Jakubek