INDUSTRIE

Acier : vite, des états généraux !

par Mathieu Hébert
Publié le 28 décembre 2018 à 10:58 Mise à jour le 10 janvier 2019

Alors que l’aciérie nordiste Ascoval vient d’être reprise, ArcelorMittal annonce le démantèlement de ses hauts-fourneaux à Florange. La CGT réclame des états généraux sur l’acier.

La longue lutte pour la sauvegarde de l’aciérie Ascoval à Saint-Saulve l’a montré : la production d’acier, ferment de la relation franco-allemande à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, demeure un enjeu stratégique aujourd’hui. L’acier alimente de nombreux secteurs industriels : de sa disponibilité et de son coût dépendent bien des productions en aval.

D’où la mobilisation autour d’Ascoval associant élus locaux et régionaux, le ministère de l’économie, la Fédération métallurgie CGT, entre autres…

La reprise d’Ascoval par le groupe franco-belge Altifort préserve non seulement les emplois de l’aciérie nordiste (près de 300), les 1 000 emplois indirects au niveau de la région, et devrait en créer 140 nouveaux en deux ans sur le site de Saint-Saulve. La reprise laisse entrevoir également de meilleures perspectives pour d’autres sites dont l’existence était menacée. C’est le cas du site des Dunes (Ascométal) à Leffrinckoucke, près de Dunkerque, dont le laminoir peut continuer à être alimenté par Ascoval, comme le repreneur dit le souhaiter.

Cette actualité démontre plusieurs choses, analyse la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie (FTM CGT) : « Les besoins d’acier dans le pays existent et ne sont pas satisfaits par notre production nationale. Preuve en est, le repreneur a réussi ces dernières semaines à étoffer son carnet commercial, sur des créneaux délaissés par de grandes multinationales  », rapporte la fédération CGT souligne aussi que dans ce dossier, « les compétences des salariés ont été reconnues », et que les aciéries électriques, comme c’est le cas de celle de Saint-Saulve, « sont un atout sur le plan environnemental, avec la valorisation de la filière ferraille. C’est l’exemple type de l’économie circulaire ».

Pourtant, dans le cas d’Ascoval/Altifort, « le chemin a été semé d’embuches », souligne la CGT, allusion à « l’attitude de la direction de Vallourec (détenteur historique de l’aciérie), qui a constamment tenté de faire échouer ce projet de reprise ».

Photo archives Liberté Hebdo

D’où la nécessaire « ingérence publique » sur les filières industrielles clés telles que la sidérurgie. « Cette victoire est à mettre à l’actif de la mobilisation commune qui a contraint l’État à s’engager pour qu’une solution pérenne soit trouvée  », note la sénatrice communiste Michelle Gréaume, élue du Valenciennois. « Sans cette ingérence, y compris par un appui financier, l’opération de rachat aurait échoué », avance la FTM CGT.

Comment ne pas dresser un parallèle avec les hésitations du gouvernement vis-à-vis de Ford, qui veut abandonner son site de Blanquefort, près de Bordeaux ? Ou le départ d’ArcelorMittal qui se dessine en Lorraine ?

A Florange, François Hollande et Jean-Marc Ayrault avaient accepté la fermeture des hauts-fourneaux par ArcelorMittal avec un accord qui prévoyait une clause de revoyure six ans plus tard. L’accord prévoyait une relance de l’activité en cas de meilleur contexte. On y est.

Les marchés de l’acier sont à la hausse, la France est importatrice nette d’acier, et les hauts fourneaux peuvent être relancés en émettant, via investissement, nettement moins de CO2. La CGT le démontre depuis plusieurs années, avec la piste de l’hydrogène.

« L’état d’urgence »

ArcelorMittal « ne respecte pas son engagement » d’il y a six ans, juge aussi Edouard Martin, l’ancien syndicaliste CFDT, devenu député européen (PSE), interrogé par France Bleu Lorraine. « Il n’y a aucune raison que le gouvernement fasse ce cadeau à Mittal », ajoute l’ex-sidérurgiste, dans l’attente de la réaction du gouvernement.

Le 15 janvier à Thionville, la CGT présentera ses propositions pour la relance des capacités d’acier et pour la réappropriation publique des capacités de production. Mais elle réclame aussi un débat plus large sur cette production stratégique pour l’indépendance économique du pays et l’avenir de milliers d’emplois. Il y a cinq ans, une commission d’enquête parlementaire emmenée par le nordiste Alain Bocquet décrétait déjà « l’état d’urgence » dans la filière. La CGT réclame la tenue « au plus vite  » des États généraux nationaux sur l’avenir de la filière.

ArcelorMittal, Vallourec...
Pour la CGT, l’État « spectateur et complice »

La FTM CGT sonne l’alerte : ArcelorMittal ne répond pas à la demande d’acier et, en France, continue de sous-investir dans les équipements industriels, la R&D et les compétences « malgré d’habiles opérations de communication pour démontrer l’inverse  ». Le groupe investit en Italie et en Inde en partie avec des fonds publics importants captés en France. ArcelorMittal poursuit sa stratégie de réduction des capacités de production en France, pour une croissance externe ailleurs en Europe et surtout ailleurs sur la planète. A Florange, le groupe évoque une perte de compétitivité si la production y était relancée. Pour rappel il a réalisé 4 milliards d’euros de bénéfice net en 2017 ; ce résultat est déjà atteint sur les neuf premiers mois 2018 ! Même dynamique chez Vallourec, lancé dans une délocalisation progressive de ses actifs français, en Amérique notamment, avec un État actionnaire (17%) « non seulement spectateur, mais complice ». Idem chez Ascométal, désormais détenu par le groupe suisse Schmolz&Bickenbach, avec l’aciérie d’Hagondange toujours en balance dans la stratégie du repreneur. La CGT s’inquiète également des risques liés à la fusion de Tata Steel et Thyssen Krupp Steel pour les établissements de Tata Steel Maubeuge et Thyssen Krupp Electrical Steel d’Isbergues, près de Béthune. En dix ans, la production globale d’acier en France est tombée de près de 20 millions de tonnes annuelles à 15 millions de tonnes aujourd’hui. Une chute bien peu cohérente avec les objectifs de relance de l’industrie française. Bien peu cohérente également avec les enjeux environnementaux qui plaident plus pour la relocalisation des productions, que de longs et coûteux transports de produits.

Marly solidaire des salariés d’Ascoval

1250 euros. C’est le montant du soutien que les habitants de Marly, près de Valenciennes, ont versé dans l’urne mise en place en mairie à l’attention des salariés d’Ascoval mobilisés pour la survie de leur aciérie. Le chèque a été remis le 24 décembre à Nacim Bardi (CGT) et Olivier Burgnies (CFDT), par le maire Fabien Thiémé, qui salue « une grande et belle victoire du tous ensemble  ».