Après des années de galère

Ascoval se tourne vers l’avenir

par Philippe Allienne
Publié le 11 décembre 2020 à 10:49

Finie l’incertitude. L’aciérie Ascoval de Saint-Saulve redémarre du bon pied, envisage de nouveaux marchés et prévoit deux vagues d’embauches. Les 270 salariés respirent.

« Avec la volonté de faire, tout est possible. Chez Ascoval, nous sommes en train de démontrer que la désindustrialisation n’est pas une fatalité. » Comme tous ses collègues de l’aciérie de Saint-Saulve (270 salariés), Nacim Bardi a retrouvé le sourire depuis le 12 août. Pour le charismatique délégué syndical CGT que l’on a pu voir dans le film-documentaire Le feu sacré d’Éric Guéret (retraçant l’histoire et le combat des ouvriers d’Ascoval Saint-Saulve de ces dernières années), l’espoir était bien entendu de retour depuis quelques semaines. Il était en fait revenu en force depuis que le groupe britannique Liberty Steel, repreneur de France Rail Industry, avait intégré l’aciérie du Nord dans son projet. Lorsque le ministère de l’Industrie a donné son feu vert au projet de reprise, le 14 août, ils étaient plusieurs à travailler à la modification de la coulée continue de l’usine tandis que la plupart de l’effectif était en congé.

Ascoval Saint-Saulve est l’une des rares entreprises en Europe à savoir fabriquer des barres carrées.
© Simon Agnoletti/Morpheus Communication

Production de barres carrées

À présent, l’usine peut produire des billettes et des blooms, des barres métalliques rectangulaires ou cylindriques destinées à l’industrie du rail. Elle est désormais l’une des rares en Europe à savoir produire des barres carrées (ou rectangulaires). C’était le but de la transformation de la coulée continue. Il a juste fallu quatre semaines pour installer la coulée transformée et un refroidissoir. L’usine entre dans un vrai renouveau pour répondre à une demande plus large et plus variée. « Avec le groupe Liberty, explique Nacim Bardi, on s’inscrit dans une stratégie à moyen et long terme, et dans une filière intégrée avec Hayange. » Le syndicaliste soulève là un point essentiel et bien connu de l’industrie sidérurgique. L’usine de Saint-Saulve avait été créée dans les années soixante-dix par le groupe Vallourec (Valenciennes-Louvroil-Recquignies). Elle comportait une aciérie et une tuberie qui a été délaissée par Vallourec. « Mais, aime se souvenir Nacim Bardi, avec Vallourec, Ascoval était dans une filière intégrée. » Avant que le groupe ne fasse d’autres choix, Ascoval ne manquait pas de commandes parce qu’il livrait les laminoirs de Vallourec. Il importait donc de retrouver ce type de dynamique sans pour autant être intégré dans des groupes en mauvaise santé. Précisément, avant l’arrivée de Liberty Steel, existait un contrat tripartite entre la SNCF, l’usine d’Hayange (en Moselle) et Ascoval Saint-Saulve. Ce contrat n’a pas été remis en cause. Durant ces quatre prochaines années au moins, l’usine nordiste doit livrer 140 000 tonnes de barres pour Hayange qui va les transformer en rails pour la SNCF. Les nouvelles installations permettront d’honorer ce contrat.

Une quatrième équipe en 2021

Cela donnera un coup de fouet à l’entreprise et aidera à trouver de nouveaux clients. La modification de la coulée a nécessité un investissement de 17 millions d’euros. Mais le savoir-faire de l’usine et de ses ouvriers ouvre des perspectives vers d’autres clients, à commencer peut-être par la SNCB (les chemins de fer belges). Ensuite, on sait que la demande d’acier repart et que là aussi, les marchés vont à nouveau s’ouvrir. Et comme le groupe Liberty s’inscrit dans l’acier vert (le « greensteel »), le site nordiste peut se sentir pousser des ailes. Une quatrième équipe (30 à 40 personnes) devrait être créée en 2021. Des embauches seront lancées pour la production, la maintenance et les bureaux. D’ici deux ans, espère Nacim Bardi, l’effectif passera de 270 à 400 salariés, sans compter les sous-traitants. Ascoval Saint-Saulve est, semble-t-il, bien loin aujourd’hui des discours négatifs prônant la désindustrialisation. En visitant le site il y a quelques jours, le député du Nord Fabien Roussel pouvait se réjouir de découvrir une ambiance positive, ce qui en ces temps est rare. Le feu sacré est de retour.

Pour les salariés, l’exemple d’Ascoval démontre que la désindustrialisation n’est pas une fatalité.
© Simon Agnoletti/Morpheus Communication
Fabien Roussel, député du Nord, avec Nacim Bardi, délégué CGT, la semaine dernière chez Ascoval.
© Simon Agnoletti/Morpheus Communication
Après avoir craint le pire, Ascoval prévoit aujourd’hui deux vagues d’embauches.
© Simon Agnoletti/Morpheus Communication