HAUBOURDIN

Histoire d’une désindustrialisation

par Philippe Allienne
Publié le 2 décembre 2019 à 10:53 Mise à jour le 4 décembre 2019

Jean-François avait 15 ans en 1972. Il venait d’entrer au lycée Beaupré, à Haubourdin. À cette époque, les fumées des usines rendaient le ciel souvent gris. Mais la ville était florissante.

En regardant les photos en noir et blanc des années soixante-dix, dans le local syndical de la CGT, il se remémore. C’est là que son père et son oncle venaient chaque jour d’une petite commune des Weppes pour travailler. Le premier à la Société des produits du Maïs (SPM, devenue Cerestar puis Cargill), le second à la savonnerie Lever. Près de cinquante ans plus tard, les cheminées ont presque toutes cessé de cracher leur fumée. Claude Dhédin, ex-secrétaire général de la CGT pour l’usine Lever se souvient. «  La première fermeture importante date de 1974. C’était Viva, le fabricant de sèche linge et de réfrigérateurs. 200 salariés ont été licenciés. » En fait, il s’agissait du groupe allemand BSH Bosch-Siemens Hausgeräte Gmbh, fondé en 1967, qui possédait la marque d’électroménager Viva. Beaucoup plus récemment, en septembre 2014, pour financer l’acquisition de l’entreprise américaine d’équipement parapétrolier Dresser- Rand, Siemens a vendu sa participation de 50 % dans BSH, qu’elle tenait depuis sa création, à Bosch pour 3 milliards d’euros, marquant la fin de l’activité de Siemens dans l’électroménager domestique. La marque Siemens reste utilisée sous licence par Bosch.

Un massacre financier

Mais, dans les années 70, le jeu de la finance et des rachats ne fait que commencer à Haubourdin. Il va se poursuivre jusqu’à aujourd’hui, rendant la ville orpheline d’un tissu industriel naguère très riche. Les ciments Lafarge (qui ont fusionné avec Holcim en 2015) étaient l’une de ces entreprises célèbres dans la ville. En fermant, elle laisse 800 salariés sur le carreau. Même chose, même nombre de licenciements pour l’entreprise franco- allemande de céramique Villeroy et Boch. Baert Métallurgie licencie 200 personnes en cessant son activité locale. L’entreprise d’électricité Rietch disparaît et se sépare de 50 salariés. Et puis, au début des années 2000, le groupe américain Lever annonce un plan drastique de 100 fermetures de sites et la perte de 25 000 emplois. L’usine d’Haubourdin est visée. Elle avait employé jusqu’à 2 500 salariés. Peu avant sa fermeture, son directeur Albert Vautier affirmait au quotidien Les Échos que l’usine était « très performante et présentait de bons résultats tant en productivité qu’en coûts ». En 1999, elle produisait 118 000 tonnes de lessive en poudre et 37 000 tonnes de lessive liquide. Sur cette longue période, Claude Dhédin compte un total de près de 5 500 salariés qui ont ainsi perdu leur emploi suite aux fermetures de sites. La plupart, notamment les grosses unités comme Lever et Cargill aujourd’hui, étaient en bonne santé.