Cargill Haubourdin bloquée

Ils ont licencié Greg !

par Philippe Allienne
Publié le 27 février 2020 à 19:53 Mise à jour le 28 février 2020

En pleine restructuration et sur fond de mouvement social, la direction de l’usine Cargill Haubourdin n’a pas hésité. Elle a choisi de mettre dehors un salarié pour faute. En réaction, les salariés sont en grève et bloquent l’usine depuis mercredi 26 février au matin.

Les portes des deux entrées de l’usine haubourdinoise sont bloquées et surveillées par des piquets de grève. Aucun camion ne peut n’y pénétrer, ni sortir. La production est stoppée. C’est la grève générale. Pendant ce temps, dans les bureaux de la direction, les experts du cabinet Progexa rendent les conclusions de la nouvelle version de leur rapport intermédiaire sur la situation de l’entreprise et le plan de restructuration (la direction préfère parler de « repositionnement » ) qui se met en place.

C’est donc dans ce contexte, où 183 suppressions de postes sont annoncés depuis novembre dernier, et alors que le tribunal de grande instance doit se prononcer le 3 mars sur les demandes du CSE et de son avocat Me Fiodor Rilov, que le licenciement de Grégory, un opérateur de fabrication de 45 ans, est confirmé pour faute simple. Si un tel scénario pour film noir était proposé, il serait très certainement refusé pour manque de sérieux et de réalisme. Mais dans les bureaux directionnels de Cargill, tout est possible.

« Pas très subtil »

Rappel des faits. Dans la matinée du 10 janvier, une assemblée générale est organisée dans le restaurant d’entreprise de l’usine. Le Comité social économique (CSE) a invité les membres du cabinet Progexa et Me Fiodor Rilov, ainsi que de nombreux syndicalistes venus soutenir les ouvriers. Dans un climat tendu, et alors qu’un salarié a reçu un courrier d’avertissement l’accusant de diffamation à l’égard du directeur, la réunion vise à expliquer aux salariés ce qu’il va se passer dans les prochaines semaine : déroulement des réunions préparatoire du PSE, travail des experts pour analyser le projet de la direction, intervention de l’avocat pour expliquer comment il compte défendre les salariés et demander la suspension du plan et des licenciements.

C’est dans ce contexte dur que le directeur chargé de mener à bien la réorganisation du site et le PSE, Philippe Capacès, s’invite avec trois cadres de l’entreprise.« Pas très subtil », comme le commentera plus tard un syndicaliste. Mais si tout se passe relativement bien, plusieurs salariés présents ne manquent pas de mots amers à l’égard de la direction. Dans un mouvement de colère, l’un d’eux, Grégory, se lève brusquement de sa chaise et demande, vivement, aux membres de la direction de sortir. Ce qu’ils feront.

Diversion

Un membre de la CGT, celui-là même qui avait reçu un courrier recommandé, veille à ce que les cadres puissent sortir sans autre heurt. A aucun moment, il n’y a eu violence physique, à aucun moment les cadres n’ont été en danger. Pourtant, Grégory a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire durant un mois pour « tentative d’agression ». La menace de licenciement avait été clairement brandie. Et la direction l’a mise à exécution. L’ouvrier de 45 ans était employé dans l’usine depuis cinq ans. Il est marié et père de deux enfants. Ce licenciement est ressenti par les salariés comme une provocation gratuite. Pour Jean- Vincent Koster, du cabinet Progexa, la direction tente ainsi de faire diversion. Dans le rapport intermédiaire qu’il a remis hier et que sera présenté ce vendredi aux salariés, il démontre que le motif économique du plan de licenciements ne tient pas la route. L’an dernier, le compte de résultat de Cargill présentait un résultat positif de 8,5 millions d’euros.