Cargill Haubourdin

Le PSE validé par l’État

par Philippe Allienne
Publié le 21 août 2020 à 13:50

La Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) a validé, mardi 18 août, le Plan de sauvegarde de l’emploi présenté par la direction de Cargill SAS. C’est le second après celui de 2014. L’avenir de l’usine d’Haubourdin apparaît très fragile.

Même si cela n’est pas une surprise, le 18 août restera une nouvelle journée noire pour les salariés de Cargill, à Haubourdin. La première, c’était le jeudi 21 novembre, lorsque la direction a annoncé son projet de « repositionnement » du site en supprimant l’amidonnerie qui venait pourtant d’être rénovée. Objectif : abandonner le maïs dans la production de lait d’amidon et se recentrer sur des produits à forte valeur ajoutée pour l’industrie pharmaceutique et l’alimentation des nourrissons notamment. Parallèlement, ce projet s’accompagnait d’un Plan de sauvegarde de l’emploi mettant en cause 183 postes sur 315.

Rouleau compresseur

Face à la colère des salariés, à la détermination de la CGT, au soutien des élus comme le sénateur communiste Éric Bocquet ou le député LFI Adrien Quatennens, face encore à la stratégie de Fiodor Rilov, l’avocat du CSE, et à l’expertise du cabinet Progexa (qui a sérieusement mis à mal l’argumen- taire financier de l’entreprise), la direction a agi comme un rouleau compresseur. Elle n’a même pas respecté son engagement de reporter, en raison de la crise sanitaire, les réunions du PSE à la fin de cette année. Dès la fin du confinement, et faisant fi des demandes d’explication du président de Région Xavier Bertrand, elle a relancé le processus. Pour la CGT, il est évident que l’État ne veut pas que l’on gêne une multinationale. Les ordonnances Macron y pourvoient.

Indemnités et pressions

Craignant une victoire de Me Rilov, qui demandait la suspension du PSE, elle a obtenu l’appui de l’État, via la préfecture du Nord et, pour la représenter, la Direccte elle-même. Résultat, le tribunal de grande instance s’est déclaré incompétent. Fiodor Rilov entend désormais réintroduire sa demande, mais la pilule est amère. « En homologuant le PSE, la Direccte a cédé à l’injonction du préfet », analyse Jean-Luc Butez, délégué CGT. Difficile pour les salariés et leurs représentants de croire que leur usine était déficitaire depuis cinq ans lorsque le plan a été annoncé l’an dernier. Certes, le site d’Haubourdin avait été rendu autonome en prenant la forme juridique d’une SAS (Société par actions simplifiée). Il n’empêche que le géant américain se porte superbement et a versé, au printemps 2019, 539 millions d’euros à ses actionnaires.

Pas d’engagement à terme

La direction annonce 129 licenciements. En fait, explique la CGT, ce seraient jusqu’à 186 postes qui pourraient sauter avec ce PSE. Mais les prévisions restent floues étant donné que 45 postes sont libres en interne. Par ailleurs, avant d’envoyer les lettres de licenciement, l’entreprise doit attendre que se présentent les candidats au départ volontaire. C’est d’ailleurs cette perspective de départs volontaires que craint la CGT. La lutte a été longue et difficile, nombreux sont les salariés qui ont envie de tourner la page.« Nous constatons des départs dans l’encadrement, dit encore Jean-Luc Butez. Est-ce parce que le projet de repositionnement ne tient pas la route ? » 30 millions d’euros doivent être investis dans ce projet. Mais, neuf mois après l’annonce, les salariés n’ont toujours pas d’informations sur ce qui sera réellement réalisé. « Et puis surtout, précise la CGT, nous avons demandé si le site fonctionnerait toujours dans trois ans. Or la direction refuse de répondre. Comme si elle voulait gagner du temps pour transférer une partie de la production ailleurs. »

Sur le plan des négociations, la direction proposerait une indemnité de départ d’un mois de salaire brut par année d’ancienneté (avec un minimum de 20 000 euros) ainsi que des aides à la formation (10 000 euros au maximum), au déménagement et à la création d’entreprise. Des chiffres, là encore, qui ne manqueront pas de séduire les candidats au départ volontaire, même si l’on sait qu’une prime ne peut remplacer un emploi. Pour les syndicalistes, il faut s’attendre à une nouvelle mobilisation lorsque les congés seront terminés. Mais les salariés subissent de nombreuses pressions. Après le licenciement d’un salarié pour faute grave, fin février, deux autres ont été sanctionnés de la même manière cet été. « Tout est bon pour nous pénaliser et nous faire payer notre lutte », assure Jean-Luc Butez. Il dénonce des conditions de travail déplorables, des heures supplémentaires sur certains circuits, l’interdiction de se restaurer près du poste du conduite, l’interdiction de fumer, le non-paiement de primes et un flicage permanent exercé par le service de sécurité. « Je travaille ici depuis 38 ans et voilà que l’on me demande de présenter ma carte d’identité quand je rentre dans l’usine ! »