Construction ferroviaire

Le rachat de Bombardier par Alstom ressemble à une « fusion inversée »

par Philippe Allienne
Publié le 21 février 2020 à 13:23

L’annonce du rachat annonce Québécois Bombardier Transport par le Français Alstom pour environ 6 milliards d’euros, lundi 17 février, n’est pas de nature à rassurer les syndicats. La Caisse de dépôt et placement du Québec sera l’actionnaire de référence du nouveau groupe.

Le PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, jure que l’opération ne prévoit aucune restructuration ni aucune mesure sociale. Le Français devient numéro 2 de l’industrie ferroviaire. Les Hauts-de- France sont la première région de France pour la construction ferroviaire. Elle emploie 40 % des effectifs du secteur et 60 % de l’effectif régional sont dans le Valenciennois . Bombardier emploie 2 000 salariés à Crespin et Alstom en emploie 1 400 à Petite-Forêt. Sans parler de la sous-traitance. Dès lundi, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, se réjouissait de ce rapprochement qui « permettra à Alstom de préparer l’avenir, dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus intense ». Il ne cachait pas sa satisfaction de voir Alstom jouer « un rôle de premier plan dans le renforcement nécessaire de l’industrie ferroviaire européenne ».

Une branche très rentable

Ce n’est pas du tout l’avis de la CGT qui, lors d’une conférence de presse à Valenciennes , mercredi 19 février, parle d’une « fusion inversée entre Alstom et Bombardier ». Pour Ludovic Bouvier, secrétaire départemental de l’USTM-CGT (métallurgie), on assiste en fait à une « prise en main par Bombardier. En effet, dès 2021 la Caisse de dépôt et placement du Québec, principal actionnaire de Bombardier, prendra le contrôle des deux groupes en terme d’actionnariat (18 % des actions à terme). Et comme on sait que Bouygues va se désengager pour ne garder que 10 % des actions, ce sont bien les principaux actionnaires du groupe québécois qui seront à la tête de la nouvelle entité ». Par ailleurs, souligne le syndicaliste, la branche transport de Bombardier est très rentable. Le Québécois « ne va donc pas scier la branche sur laquelle il est assis ».

Ce qui est certain, c’est qu’il réalise une bonne affaire. Son endettement (9 milliards d’euros) est dû à sa branche aéronautique. Or, la Caisse de dépôt et placement du Québec apporte 2 milliards d’euros. Avec les 6 milliards d’Alstom, cela permet pratiquement d’éponger sa dette. Bombardier compte d’autre part sur Alstom pour redresser sa situation. Le groupe annonce 400 millions d’euros d’économies sur les coûts de production ces deux prochaines années. La crainte des syndicats est dès lors compréhensible. « La réduction des coûts de production n’ira sans doute pas sans une réduction des coûts de main-d’œuvre » , observe Ludovic Bouvier. Ce n’est pas tout. Chez Alstom comme chez Bombardier, les deux tiers des effectifs sont des cols blancs (ingénierie, bureaux d’étude essentiellement). Certes, chacun recèle ses spécificités. « Mais dans le pot commun, Bombardier va prendre ce qui lui fait défaut » , prédit Ludovic Bouvier. Or, l’implantation d’un pôle d’excellence R&D est annoncée à Montréal. « On peut donc craindre un recentrage au détriment de l’emploi régional » , s’inquiète-t-il.

Pôle d’excellence R&D à Montréal

Alors, ce rachat est-il une bonne ou une mauvaise nouvelle ? « Excellente pour le capital, certainement pas pour les travailleurs », juge le syndicaliste en évoquant le rapprochement Renault-Nissan qui a très vite vu fondre les effectifs. D’autant que les syndicats ont été mis sur le fait accompli. « Dans un premier temps, nous demandons les éléments d’information qui ne nous ont pas été communiqués. Mais nous sommes sans illusion. La loi sur le secret des affaires nous sera certainement opposée. À coup sûr, la décision politique d’ouvrir le marché du rail à la concurrence a aussi des conséquences sur les industriels. »