Projet de délocalisation pour MCA Maubeuge

Un désastre pour le bassin de la Sambre

par Philippe Allienne
Publié le 29 mai 2020 à 16:02

Venu semble-t-il au chevet de la filière automobile, sur le site de Valéo mardi 26 mai, à Étaples, Emmanuel Macron a annoncé huit milliards d’euros pour son redémarrage. Mais dès la veille, une information avait fuité d’un CE extraordinaire et simultané sur l’ensemble des sites de Renault. MCA Maubeuge ferait les frais d’un plan de restructuration et serait délocalisée, pour partie, à Douai.

MCA Maubeuge, spécialisée dans le véhicule utilitaire, fait figure depuis longtemps de premier de la classe. Pas seulement au sein du groupe Renault. « Au niveau de la qualité et de la compétence des équipes, nous avons la réputation d’être une des meilleures usines - de la filière automobile - en France et en Europe. C’est pour cela que cette nouvelle est une surprise totale. Au départ, nous n’étions pas concernés par une restructuration. » Maire de Louvroil mais aussi ouvrier chez MCA où il s’occupe de robotique en maintenance de nuit, Giuseppe Ascone a du mal à cacher son émotion. « La nuit dernière, confie-t-il au lendemain de la nouvelle, dans les ateliers, ce n’était pas la joie. Plus d’un avait la larme à l’œil. »

Un investissement de 450 millions

Ce qui apparaît incompréhensible, c’est que 450 millions d’euros viennent d’être investis et que le site travaille sur un nouveau véhicule. «  J’imagine mal que, dans ces conditions on puisse fermer », dit l’élu. « Sur le fond je pense qu’il y a cinq milliards en jeu  » (l’enveloppe annoncée par Emmanuel Macron à Étaples - ndlr). Pour lui, les conséquences économiques du coronavirus ne peuvent tout expliquer. « Renault s’est un peu trop attardé sur des véhicules qui ne fonctionnaient pas. Je crois que on aurait dû aller plus tôt sur les véhicules Cross Over et sur l’hybridation. Au contraire, on a tout misé sur l’électrique, donc on a pris beaucoup de retard sur l’hybridation alors que c’est par là qu’il fallait commencer avant de passer à l’électrique.  » Ce qui est certain, c’est que l’usine de Douai va mal depuis longtemps. L’Espace se vend mal. Le Talisman et le Scénic aussi. Le Scénic utilise d’ailleurs la même plateforme que le nouveau véhicule de MCA, un détail qui pourrait accréditer la rumeur de délocalisation vers Douai.

De gauche à droite : Benjamin Saint-Huile (maire PS de Jeumont), Arnaud Decagny (maire UDI de Maubeuge), Giuseppe Ascone (maire PCF de Louvroil), Bernard Baudoux (maire PCF d’Aulnoyes-Aymeries).
© Hugo Georges

Sur le plan social, MCA emploi actuellement 2 100 salariés dont 500 intérimaires. D’après les rumeurs, le site de Maubeuge garderait les presses et la tôlerie, le montage partirait à Douai. « Il y a une trentaine d’année, on recevait les caisses de Douai et on les montait. Quel retour en arrière ! » soupire Giuseppe Ascone. Cela voudrait dire que pas plus de 300 salariés resteraient à Maubeuge. Les autres devraient faire au moins 70 kilomètres pour se rendre à Douai, voire 40 de plus lorsqu’ils habitent Fourmies. On imagine bien sûr qu’il y aura des mesures d’âge.

Manifestation samedi 30 mai

Cela rappelle aussi de forts mauvais souvenirs. À la fin des années soixante, dans la sidérurgie, le haut fourneau le plus perfectionné avait été installé dans le bassin de la Sambre. Finalement, il est parti sur Dunkerque. Les ouvriers sont partis de Louvroil à Denain, Trith-Saint-Léger et Dunkerque et ont connu plusieurs vagues de licenciements. Pour la Sambre, qui s’est pris de plein fouet la crise de la sidérurgie, la reproduction d’un tel scénario serait une catastrophe. «  Si ça arrive, on va se battre. » Pour Giuseppe Ascone, pas question de baisser les bras. Dès le lendemain de l’annonce, il était avec les autres maires de la région, écharpe en bandoulière, sur le parking de MCA. Ce samedi, il sera bien sûr présent au rassemblement devant l’usine. À l’initiative de l’intersyndicale de MCA et des élus de la Sambre-Avesnois, une manifestation est en effet prévue ce 30 mai à 9 h 30 face à l’entreprise.