ÉNERGIE

Waziers roule pour l’hydrogène

par Mathieu Hébert
Publié le 21 décembre 2018 à 12:52 Mise à jour le 1er janvier 2019

Un site de production de carburant propre pourrait voir le jour à Waziers, près de Douai. Une initiative qui réunit collectivités, industriels, transporteurs et syndicats.

On n’en est qu’aux prémices. Mais avec un peu de volonté politique, les choses pourraient être rendues concrètes rapidement. Waziers espère accueillir bientôt une station de production et de distribution d’hydrogène pour véhicules utilitaires, avant, pourquoi pas, de toucher le grand public. C’est le projet défendu par les communistes Jacques Michon et Alain Bruneel, respectivement maire de Waziers et député.

Marcel Croquefer, ancien de la chimie, présente le démonstrateur de production d’hydrogène devant des militants CGT, à Waziers en octobre. (Photo BV)

Ils relaient la CGT, à l’initiative d’un projet de reconversion de l’ancienne raffinerie des Flandres à Dunkerque, dont Liberté Hebdo s’est plusieurs fois fait l’écho. En octobre, La CGT présentait d’ailleurs à Waziers un démonstrateur de production d’hydrogène tel qu’il pourrait être installé à Dunkerque sur l’ancienne raffinerie, pour peu que Total soutienne le projet. Cela fait dix ans que le groupe pétrolier garde le pied sur la pédale de frein.

Quand Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, a lancé un appel à projets pour donner corps à son plan de développement de la filière, les deux élus ont saisi la balle au bond. Double avantage : création d’une activité industrielle et d’emplois, tout en œuvrant à la réduction des émission de gaz à effet de serre.

Jacques Michon, maire de Waziers. (Photo archives Mathieu Hébert)

La commune du Douaisis compte déjà un site d’Air Liquide, qui y produit de l’hydrogène pour les industriels. Jacques Michon aimerait que le site dispose également d’une station qui approvisionnerait en hydrogène les camions de ramassage des ordures, les bus du réseau de transport public du Douaisis. Avec l’appui de la sous-préfecture, il compte réunir les entreprises concernées, le syndicat des transports et la communauté d’agglomération ces prochaines semaines.

Jacques Michon voit plus loin : « aujourd’hui on produit de l’hydrogène qui n’est pas décarboné (qui est produit à partir de ressources non renouvelables, ndlr). On doit imaginer dans un deuxième temps la production d’hydrogène à partir d’énergie renouvelable, et peut-être, l’approvisionnement de véhicules pour le grand public  », confie-t-il. Non loin en effet, plusieurs constructeurs automobiles disposent de sites d’assemblage (Renault, Toyota) ou de production de moteurs (Française de mécanique).

« Il va un peu vite, le camarade. Rien n’est lancé »

« Il va un peu vite, le camarade. On s’y intéresse, on étudie, on mesure. Mais rien n’est lancé  », nuance Régis Saadi, directeur des affaires publiques d’Air Liquide, qui est aussi secrétaire générale de l’Afhypac, l’Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible, qui fédère entreprises, laboratoires et instituts de recherche, pôles de compétitivité, collectivités territoriales et associations régionales.

Pour rendre le dossier opérationnel, il faudra que le gouvernement précise ses intentions. Le plan hydrogène a été présenté par Nicolas Hulot en juin. Deux mois après, il démissionnait. Depuis, lors des différentes réunions au ministère, les acteurs ont l’impression d’un certain flottement, notamment dans l’attribution des 100 millions d’euros de l’appel à projets.

L’entrée du site Air Liquide France Industrie, à Waziers. (Capture d’écran - Google)

« Le financement de l’appel à projets n’est pas très clair. On a l’impression que les crédits ne sont pas réellement affectés et ne le seront qu’en fonction de la demande ou des projets », avance l’un d’entre eux. « Quand les Coréens mettent 2,5 milliards sur la table, on met 100 millions. On ne joue pas à la même échelle  », dit un industriel, qui évoque aussi l’absence de discussion sur les coûts de production de l’hydrogène, très dépendants des prix de l’électricité. « On ne peut pas parler du déploiement de l’hydrogène sans parler des prix ».

La molécule aux mille avantages

L’hydrogène, le plus léger des éléments chimiques, est principalement utilisé dans la production d’engrais, de carburants et pour le raffinage des produits pétroliers. Il renferme trois fois plus d’énergie que l’essence. Considéré par certains comme le carburant du futur, il peut aussi permettre la production et le stockage d’énergie, alimenter les voitures, recycler du CO2, rendre les processus industriels plus propres... Pour le produire, il faut un composant contenant de l’hydrogène (gaz naturel, pétrole, charbon, eau) et une source d’énergie (hydrocarbures ou électricité). Les principales techniques de production actuelles émettent du dioxyde de carbone. Mais demain, en associant des énergies renouvelables à l’électrolyse de l’eau, on pourra produire de l’hydrogène « décarbonée », propre pour l’environnement.

Six bus à hydrogène à Lens-Béthune

En 2019, 41 bus hybrides et 6 bus hydrogène rejoindront la flotte de quelque 500 bus du syndicat mixte de stransports Artois-Gohelle. Il s’agit des premiers bus à hydrogène français, conçus par Safra, à Albi. Le Businova H2, version à hydrogène du bus de ville électrique que la PME Safra, découle de partenariats entre la PME d’Albi et a signé des partenariats industriels avec le lyonnais Eve System pour la batterie lithium-ion et avec Michelin pour la pile à combustible. Le bus se décline dorénavant en trois gammes : un bus électrique hybride (à assistance hygrothermique, immatriculé dès 2015), un 100 % électrique et un électrique à hydrogène. Tous modèles confondus, Safra table sur une trentaine d’unités pour 2019.