CAC 40

Un monde enchanté où l’argent ruisselle...

par JEAN-LOUIS BOUZIN
Publié le 18 novembre 2022 à 18:52

Champagne ! Selon l’Observatoire des Multinationales, les dividendes 2021 versés aux actionnaires du CAC 40 ont atteint le montant record de 57,5 milliards d’euros auxquels s’ajoutent 23 milliards d’euros de rachats d’actions.

« Noyé dans les profits », les groupes du principal indice boursier français ont « une nouvelle fois priorisé leurs actionnaires », accuse l’Observatoire des Multinationales dans son rapport annuel publié en début de semaine. Sur 156,7 milliards d’euros de profits (en 2021) les géants de l’économie ont prélevé 57,5 milliards d’euros pour les reverser en dividendes à leurs actionnaires, soit une augmentation de 32 % par rapport à l’année précédente. A comparer avec les 3 % d’augmentation moyenne des salaires dans les mêmes groupes, dix fois moins, l’argent ne ruisselle pas pour tout le monde. Les actionnaires, eux, sont aux anges car, à leurs dividendes records s’ajoute une autre gratification non négligeable, record elle aussi : 23 milliards d’euros de rachats d’actions destinés à maintenir des cours élevés en Bourse. Soit un total (dividendes + rachats d’actions) de 80,7 milliards d’euros. Plus de la moitié des bénéfices obtenus grâce au travail des salariés de ces 40 grandes entreprises, se retrouve dans l’escarcelle des seuls actionnaires.

Les actionnaires « une nouvelle fois priorisés »

Sur la plus haute marche du podium, sans surprise trône la famille Arnault qui rafle 2,4 milliards d’euros de dividendes. Juste devant Blackrock avec 2 milliards d’euros. BlackRock, vous vous souvenez ? Ce fonds américain associé par la Macronie à la réflexion sur la réforme des retraites aujourd’hui relancée, et qui rêve de multiplier les plans d’épargne retraite privés en France... Après Arnault et Blackrock, c’est l’État français qui, avec 1,32 milliard d’euros, prend la troisième place. Hé oui, car l’État est aussi actionnaire, ce qui pourrait lui permettre parfois de faire pression sur la direction des groupes, sauf qu’avec Macron... Se classent ensuite les familles Bettencourt (890 millions) et Pinault (620 millions). L’Observatoire des Multinationales note qu’« environ un dixième de tous les dividendes » du CAC 40 revient à 16 familles liées à certains des plus grands groupes français comme LVMH, Hermès, L’Oréal ou Kering. Si profits et dividendes explosent, en revanche la contribution aux finances publiques des groupes du CAC 40 « semble croître bien moins rapidement », note l’ONG. Disons même qu’elle a nettement baissé, puisque leur taux effectif d’imposition a chuté de 37,6 à 25,4 % entre 2020 et 2021. Rien d’étonnant quand on sait que certains des groupes du CAC40 qui réalisent les plus gros profits, comme ArcelorMittal, Stellantis ou ST Micro sont basés dans des pays connus pour leurs avantages fiscaux réservés aux multinationales. 14% de l’ensemble des filiales du CAC 40 sont même carrément localisées dans des paradis fiscaux ! Contribuer aux investissements publics dans l’hôpital, l’école, les routes n’intéresse guère les grands de la finance et de l’industrie.

Mieux que Pouyanné

L’augmentation de 52 % de la rémunération du patron de TotalEnergies avait fait couler pas mal d’encre il y a peu. Pauvre monsieur Pouyanné qui se disait « fatigué » d’être critiqué... Le fait est qu’il n’est pas le seul. L’Observatoire des Multinationales note que le chiffre de 52 % correspond à l’augmentation moyenne sur un an de la rémunération d’un patron du CAC, soit en euros 6,6 millions. L’ONG rappelle que les patrons avaient déjà été augmentés de 26,4% entre 2019 et 2021. Là aussi, il y a donc du mieux... Les salariés de chez Dassault seront ravis d’apprendre que la palme du patron le mieux payé est le directeur général de leur groupe avec 44 millions d’euros par an. Côté salariés, ce n’est évidemment pas la même chanson. Une entreprise du CAC 40 a dépensé, en 2021, 65.300 euros par employé. Attention, cotisations patronales incluses, et en moyenne, c’est à dire que le calcul prend en compte tous les salaires y compris les plus élevés. Ce qui est pratique pour masquer les écarts de salaires. Selon les calculs de l’Observatoire des Multinationales, « un salarié moyen du CAC 40 doit travailler 139 jours pour gagner ce que son patron gagne en une seule journée » ! La chasse au « coût du travail », que le grand patronat ne considère toujours «  pas assez compétitif » en France, semble rester de mise dans les sociétés du CAC 40. Outre les pressions sur les salaires, nombre d’entre elles continuent de réduire leurs effectifs en France : Carrefour, Sanofi, Orange, Renault, BNP Paribas, Société générale, etc. Enfin, en matière environnementale, l’Observatoire des Multinationales regrette un manque de transparence de la part de beaucoup de groupes du CAC40, notamment dans le secteur bancaire. Cela ne l’a pas empêché de remarquer une légère augmentation, de leur part, des émissions de CO2. Bref, si sur la planète « France d’en bas  », les citoyens rament dur contre la vie chère avec des salaires ou des retraites en berne, une perspective de retraite qui s’éloigne, un chômage qui fait peur parce que moins indemnisé, et une évolution du climat angoissante, en revanche tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes du CAC 40.

  • L’Observatoire des multinationales est un média en ligne d’informations générales et politiques , co-fondé en 2013 par Ivan du Roy et Olivier Petitjean, publié par l’association Alter-médias. Les grandes entreprises et plus généralement les pouvoirs économiques, ainsi que leurs relations avec le pouvoir politique constituent son champ d’observation. Vous pouvez retrouver le rapport 2022 in extenso sur internet.